"Il y a quelques années, pour mon activité de blogueuse, je recevais beaucoup de produits de beauté et, avec mon associée Emily, on essayait tout, raconte Garance Doré, fondatrice des cosmétiques Doré. Cela a duré des années et, à un moment, on a toutes les deux développé des problèmes cutanés, elle de l'acné, moi une hypersensibilité. J'ai consulté des tas de dermatologues et l'une m'a dit 'votre peau est épuisée par trop de produits, trop d'actifs, il faut revenir à l'essentiel et uniquement l'hydrater'. Quand je me suis décidée à lancer ma propre marque, toujours avec Emily, je suis partie de là et j'ai voulu une gamme qui simplifie la routine, facile à utiliser pour les femmes, les hommes, à tous les âges, avec des ingrédients qui font du bien à la peau."
Cette gamme de quatre soins, dont une seule crème universelle, La Crème, revient à l'essentiel des besoins cutanés : hydrater, renforcer, protéger. L'approche peut sembler presque subversive dans une époque où, sur les réseaux sociaux, de nombreux influenceurs prônent des rituels beauté souvent XXL et des cosmétiques dont les bénéfices questionnent.
De leur côté, les marques se réapproprient le terrain du scientifique, délaissé un temps pour la communication sur le clean, avec pléthore de lancements et des discours parfois tellement pointus qu'ils en deviennent inaudibles. Même les noms historiques de pharmacie créent nouveautés sur nouveautés, jusqu'à proposer une offre élargie qui peut vite nous perdre en route. Face à cette surenchère, des marques aux messages simplifiés et aux routines courtes émergent, comme Doré donc, mais aussi Mimétique.
Clarté et transparence
Cette gamme de quatre produits pour le visage a été lancée en octobre dernier par la chimiste en cosmétique Fabienne Sebaoun, qui ne s'attendait pas à un tel engouement. Sans véritable communication ni beaucoup de moyens, cette formulatrice, qui a collaboré avec de grands groupes, a déjà vendu 15 000 articles et son sérum Skin Revive s'est retrouvé en rupture de stock. Son succès, elle l'explique par son approche scientifique, claire et transparente.
"J'ai voulu revenir à la peau, créer des soins biomimétiques qui travaillent avec elle, et j'explique ce concept de façon très vulgarisée, comme si je parlais à une copine", souligne l'entrepreneuse, qui précise que la simplicité apparente des cosmétiques ne signifie pas une formulation basique. "Dans chaque formule, j'ai mis 25 % d'actifs, la composition est complexe, et les femmes rachètent car elles voient une réelle efficacité. Beaucoup ont la peau irritée, elles ont utilisé trop de produits, des choses inadaptées. Le prix abordable sans être minimal est lui aussi un atout, elles voient que leur argent est bien investi." Plutôt que de dépenser pour communiquer, elles savent qu'elles payent pour du résultat.
Protéger et réparer
Parmi les nouveaux labels, Pers s'est également fait une place de choix, avec une gamme d'essentiels, pour les hommes comme pour les femmes. Le concept de la marque est contenu dans son nom : Pers pour Protéger, Embellir, Réparer, Stimuler. La peau n'a pas besoin de plus, nous expliquent les fondateurs, Sophie-Lisa Prêcheur et Quentin Douce.
"Le point de départ a été l'ordonnance que m'a faite un jour un médecin : le matin, protéger des UV, des radicaux libres, de la pollution ; le soir, en alternance un jour sur deux, réparer et stimuler. En faisant ces trois actions, pas plus pas moins, vous apportez à la peau ce qu'il faut pour la maintenir en bonne santé", résume Sophie-Lisa Prêcheur.
Pour répondre à ces besoins, la gamme a donc été construite comme une prescription beauté, avec les soins nécessaires et suffisants. Dans la catégorie "protéger", se placent le SPF et les produits à la vitamine C ; dans "réparer", ce sont les cosmétiques hydratants, nourrissants, régénérants ; et dans "stimuler", tout ce qui fait travailler activement la peau, c'est-à-dire les acides de fruit, le rétinol.
"L'important, ce ne sont pas tant les actifs que le moment où vous les utilisez, et c'est là que beaucoup de consommateurs sont perdus. Je trouvais l'approche de ce médecin rassurante, pédagogique, permettant de classer les soins en petits lots. Essayez de faire le test avec ce que vous avez déjà, vous verrez que vous avez sûrement beaucoup de 'réparer', notamment les formules à l'acide hyaluronique, et peu du reste", poursuit Sophie-Lisa Prêcheur, qui indique que ce n'est pas un produit en lui-même mais la routine dans son ensemble qui apporte une action de prévention et de correction anti-âge.
La catégorie "embellir", moins essentielle pour le fonctionnement cutané, a été ajoutée pour répondre au besoin d'éclat qui nous permet de nous sentir bien dans notre peau et d'aborder sereinement la journée, et c'est, en ce sens, aussi indispensable.
Dans le même esprit, il est bon de s'intéresser également à AWvi, marque holistique unigenre fondée par Alexander Werz, le CEO de l'agence de communication Karla Otto, qui s'est entouré de scientifiques pour composer les quatre soins de la gamme The Skin Method, parmi lesquels un complément alimentaire. Les formules s'appuient sur les dernières connaissances en matière de microbiome et de facteurs de vieillissement afin d'apporter à la peau uniquement ce dont elle a besoin pour s'équilibrer et conserver sa jeunesse.
Saluons aussi le côté précurseur de Lixirskin, jolie marque au packaging rose poudré, lancée en 2017 par la scientifique londonienne Colette Haydon, à qui l'on doit les premières formules qui ont fait le succès de la marque Ren Clean Skincare. Depuis le départ, son credo a toujours été : "Demandez à la peau de faire une chose à la fois, mais bien", sinon elle sature. Sûrement trop en avance sur son temps, la marque n'a pas décollé en France comme elle aurait dû. Mais il n'est pas trop tard pour se rattraper et découvrir ses formules parfaitement équilibrées en actifs et sa routine simple, efficace et sensorielle.
Une signature visuelle
À trop épurer les gammes et les discours, ne perdons pas une composante non négligeable de la cosmétique, sa capacité à faire rêver. N'est-ce pas le rôle des "storytellings" parfois excessifs, dans lesquels on prend plaisir à se laisser embarquer, même si on ne les comprend pas tout à fait et qu'on n'en est pas complètement dupe.
"On ne peut ignorer que la cosmétique s'appuie sur un fort émotionnel. Avec une marque comme Pers, nous nous adressons à une clientèle pragmatique, désireuse d'obtenir de l'efficacité sans se disperser. C'est un profil que l'on retrouve souvent chez les hommes, plus rationnels dans leur manière de consommer en général, mais aussi chez les femmes qui veulent aller droit au but, parce qu'elles n'ont pas le temps, pas l'envie ou pas les moyens d'accumuler les produits", constate Quentin Douce.
Être pragmatique ne signifie cependant pas être insensible à l'esthétisme, un aspect important de la composante émotionnelle de nos choix. L'autre point commun à ces gammes resserrées et bien pensées est en effet leur design soigné, une allure simple avec un twist créatif, une signature visuelle qui sait se démarquer à la fois du blanc pharmaceutique et des codes classiques du luxe. "
Les clientes de Mimétique me rapportent qu'elles aiment les petits flacons compte-gouttes qui ressemblent à celui de l'Hexomédine et le tube en alu qui leur rappelle la Biafine. Je n'ai pas pensé les choses directement comme cela, mais je voulais un côté pharmacie française nouvelle génération, quelque chose de joli mais différent d'un design à la Aesop ou Byredo, par exemple. Je cherchais aussi une approche écologique, notamment éviter les pipettes, non recyclables et avec lesquelles on applique trop de produit", confie Fabienne Sebaoun.
On ne sera pas étonné que certains acteurs de cette nouvelle sobriété soient issus du milieu de la mode et du lifestyle, à l'image de Humanrace, la marque de Pharrell Williams au packaging vert gazon, dont la routine peau saine, développée avec la dermatologue de l'artiste touche-à-tout, tient en trois soins et trois minutes, matin et soir.
Des actifs au centre des discours
Pionnière de la simplification des messages scientifiques, une marque comme Etat Pur, créée en 2011, a toujours prôné une attitude less is more avec des Actifs Purs idéalement dosés, à ajouter en fonction des besoins à une base hydratante qui respecte l'écologie cutanée.
L'idée ? Ne pas surcharger la peau mais lui apporter le juste nécessaire en fonction de ses déséquilibres, des agressions qu'elle subit... Plus récemment, myBlend a adopté ce même concept de concentrés ciblés à intégrer, en cure, à une crème anti-âge universelle qui peut se suffire à elle-même.
Une marque comme Novexpert joue, elle aussi, la carte des ingrédients réputés, formulés pour offrir une assimilation et une tolérance optimales, afin d'assurer leur efficience.
Typology et The Ordinary font également partie de ces labels qui résument leur storytelling à l'efficacité d'actifs reconnus, vendus à des prix abordables. Si ces marques proposent souvent des diagnostics en ligne pour faire les bons choix, elles s'adressent malgré tout à des consommateurs·trices qui maîtrisent un minimum le jargon des ingrédients, là où Pers et Mimétique mâchent complètement le travail.
Article publié dans le magazine Marie Claire n°864.