"L'océan, c'est ce que les Français ont dans le dos lorsqu'ils sont à la plage", disait le navigateur Éric Tabarly. Mais l'océan, c'est aussi ce que nous avons en nous. Il est à l'origine de la vie, de nos vies. Nous sommes des poches d'océan, des poches d'humidité luttant contre l'aridité de la terre ferme.

Toutes et tous issu·es d'un ancêtre commun, un poisson, sorti de l'eau il y a plus de 300 millions d'années. Sans l'océan, la Terre serait inhabitable. Derrière chaque récolte agricole fructueuse ou chaque inondation meurtrière, il y a l'océan. C'est le maître du monde : il régule le climat planétaire, le cycle de l'eau, la météo.

Le maltraiter, c'est pointer une arme contre nous-mêmes. Le temps est venu de cesser de mettre en péril les conditions de notre survie.

C'est tout l'enjeu de la troisième conférence des Nations Unies (UNOC), que la France accueille du 9 au 13 juin 2025, à Nice.

Le niveau de réchauffement de l'océan est sans précédent, les canicules sous-marines, de plus en plus fréquentes et intenses, entraînent une mortalité animale de masse.

Jamais la menace n'a été aussi élevée. Nos sociétés boostées aux énergies fossiles répandent leurs flammes jusque sous la surface des eaux. Le niveau de réchauffement de l'océan est sans précédent, les canicules sous-marines, de plus en plus fréquentes et intenses, entraînent une mortalité animale de masse.

Chaque année, 670 000 km2 de fonds sous-marins, soit une surface plus grande que la France, sont ravagés par des navires de pêche français utilisant le chalutage, une méthode de pêche générant une destruction massive. Une fois que nous aurons tout poussé jusqu'à la rupture, la  pollution, l'extraction des ressources, l'anéantissement des écosystèmes, l'extinction des espèces, la concentration de CO2 et l'acidification des eaux, nous, les humains, n'aurons plus voix au chapitre. Il est minuit moins une pour la civilisation.

Ne pas protéger l'océan, c'est condamner l'humanité.

Or la France, deuxième puissance maritime mondiale, clame que 30 % de son territoire marin est protégé. Ce n'est pas vrai. Les aires marines réellement "protégées" représentent 0,005 % de la façade nord et ouest, et 0,094 % de la Méditerranée.

Ce qui est très efficacement protégé, ce sont les destructeurs, ces 800 chalutiers, véritables bulldozers des mers, qui opèrent une déforestation sous-marine permanente, jusqu'à 47 fois supérieure à la déforestation terrestre. Une trop grande partie du poisson vendu sur nos étals provient de cette pêche dévastatrice.

Le pire ? Ce sont nos impôts qui financent la destruction de l'océan. Car 100 % de ces navires sont déficitaires. Sans subventions, ils ne quitteraient pas le port. Il reste dix ans à l'humanité pour éviter le pire. On a le droit d'avoir peur, d'être triste, comment ne pas l'être ? Mais la tristesse doit alimenter la colère, une colère saine menant à l'action. Le philosophe Jean-Pierre Dupuy dit que la fatalité est la somme de nos démissions. La protection de l'océan passe par la somme de nos combats. Et par le courage politique."

Tribune publiée initialement dans le magazine Marie Claire 874, daté juillet 2025

Propos recueillis par Catherine Castro