Pendant longtemps, la reine des réseaux sociaux, c'était elle. Surnommée "la Ferragni" dans son pays natal, Chiara Ferragni a lancé l'un des blogs mode les plus influents au monde, a collaboré avec de prestigieuses maisons et a enchaîné les couvertures de magazines. Son mariage ultra-médiatisé avec le rappeur Fedez, en septembre 2018, a généré plus de trafic en ligne que celui du prince Harry et Meghan Markle !
Mais son parcours, retracé en 2019 dans le documentaire Unposted sur Amazon Prime Video, a depuis été marqué par plusieurs scandales.
Chiara Ferragni, une femme d'affaires à la tête d'un empire
"Ceci est le premier blog indépendant créé pour répondre à un besoin individuel de communication et de personnalisation […] Il s’appelle "The Blonde Salad" (la salade blonde en vf) parce qu’il réunira tous les ingrédients qui m’ont toujours caractérisée : la mode, la photographie, les voyages et le lifestyle", écrit-elle sur Internet un jour de 2009.
Chiara Ferragni n'a que 21 ans lorsqu'elle publie sur The Blonde Salad des photos de ses tenues dans les rues de Milan. La jeune femme originaire de Crémone, une petite ville au nord de l'Italie, est alors une précurseure. En 2009, Instagram n’existe pas et le blogging vient tout juste de commencer.
2011. L'une de ses photos est reprise dans le New York Magazine. Très vite, l'Italienne est remarquée par les rédacteur-rice-s en chef et les marques du monde entier : ce qui ne devait être qu’un passe-temps devient alors un business.
Les griffes se bousculent pour collaborer avec celle qui génère sur ses plateformes un trafic de plus en plus conséquent. Une révolution qui a "complètement changé la conception qu'on avait d'un blog et d'une blogueuse en termes d'influence et de mode", selon la journaliste américaine Moira Forbes, éditrice de Forbes Women.
À l'époque, les tout premiers blogs étaient vus d'un mauvais œil. Pourtant en un mois, elle a rassemblé plus de 30 000 visiteurs, alors que peu de gens comprenaient cet écosystème
Pour preuve, son influence est telle qu’en 2015, un groupe de chercheur-euse-s d'Harvard publie une étude de cas sur la jeune femme. Le prestigieux magazine Forbes l'élit influenceuse de l'année en 2017. La consécration ? Dix ans après son lancement, The Blonde Salad devient un site à part entière avec une partie rédactionnelle et un e-shop.
La femme d'affaires, également à la tête d'une marque de prêt-à-porter, bijoux et de cosmétique qui porte son nom, devient, au printemps 2020, membre du jury de Making The Cut, l'émission mode d’Amazon, aux côtés d'Heidi Klum, Naomi Campbell et Joseph Altuzarra.
Sans oublier que le 9 avril 2021, elle fait son entrée au conseil d'administration de la griffe Tod's. Résultat : le cours de l'action du groupe bondit de 14 % en Bourse ce jour-là.
Une décennie d'influence
"Il faut être déterminée pour réaliser ses rêves." C’est ainsi que débute Unposted, donnant le ton sur le parcours de la célébrité italienne. "Je joue un rôle central en tant qu’ambassadrice de marques, consultante en stratégies digitales et pas comme simple influenceuse qui présente ses expériences produits sur les réseaux", précise-t-elle.
Si au début des années 2010, les professionnel-le-s de la mode ne lui donnaient pas plus de 6 mois dans le secteur, Chiara Ferragni, célèbre désormais plus de 15 ans d'existence. Dans le documentaire, l'une de ses abonnées assure : "Quand j'étais enfant et qu'on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais que je voulais être rédactrice en chef de Vogue comme Anna Wintour. Aujourd'hui, je réponds que j'aimerais faire comme Chiara Ferragni".
Parce que comme Lorenzo Serafini, alors directeur artistique de Philosophy Di Lorenzo Serafini, remarquait devant la caméra d'Elisa Amoruso : "Avec Chiara plus que jamais, le public qui se tenait à distance de la mode a pu s’identifier à un personnage qui l'a inspiré, un personnage devenu un modèle pour des millions de filles."
Chiara a réussi à s’imposer en étant visionnaire, elle a été pionnière quand tout le monde ne comprenait pas l’enjeu et la transformation en cours
Le génie de Chiara Ferragni a longtemps résidé là : elle a compris avant tout le monde comment faire des réseaux sociaux un véritable business. Une idée avant-gardiste, du moins à l'époque, qui a révolutionné l'industrie de la mode et donné une réelle crédibilité au monde de l'influence.
"Chiara Ferragni a réussi à s’imposer en étant visionnaire, elle a été pionnière quand tout le monde ne comprenait pas l’enjeu et la transformation en cours", affirme la créatrice Silvia Venturini Fendi dans Unposted.
Pour cause, la personnalité italienne a évolué en même temps que les réseaux sociaux et s'est appropriée toutes les plateformes : en 2004, Flickr était son journal intime, avant que son blog ne prenne le relais en 2009 et qu'Instagram devienne sa plateforme de prédilection en 2012.
Un parcours qui fait alors rêver, parce qu'il montre qu'une jeune femme étrangère à l'industrie de la mode peut réussir grâce au pouvoir des réseaux sociaux, où la parole est démocratisée. "Chiara renvoie au monde le message : 'Si je l'ai fait, tu peux le faire aussi'", assure Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de Dior.
La célébrité sous pression de Chiara Ferragni
Comme beaucoup de personnes qui choisissent de s'exposer sur Internet, l'influenceuse n'a jamais manqué de susciter des critiques. "Chiara est sous pression", assurait Silvia Venturini Fendi dans Unposted.
Ainsi, en novembre 2018, un post sur le "hair shaming" — soit le fait de ridiculiser quelqu'un pour sa couleur de cheveux — crée la polémique. Chiara Ferragni est alors accusée de comparer la "souffrance" sociale d'être blonde à celle de la discrimination de corps, raciale, religieuse, etc.
Les critiques semblent par ailleurs s'être intensifiées depuis qu'elle est devenue mère pour la première fois en 2018.
Lui sont reprochées ses tenues jugées "provocantes" par certain-e-s, mais aussi la surexposition de ses enfants Leo et Vittoria — née en 2021— sur les réseaux sociaux. Sans parler de son mariage sponsorisé, qui lui a valu des torrents de commentaires moqueurs ou ouvertement haineux.
Chiara Ferragni dans la tourmente des scandales
15 décembre 2023. L'autorité de la concurrence et du marché italienne (l'AGCM) révèle qu'elle a condamné Chiara Ferragni à payer une amende d'1,075 million d'euros pour avoir induit en erreur ses abonné-e-s dans le cadre d'une action apparemment caritative. Explications : la star s'était associée à la marque Balocco pour promouvoir des pandoros, brioches consommées en Italie durant la période des fêtes, dont les ventes auraient dû profiter à des enfants de l'hôpital Regina Margherita de Turin.
Sauf qu'en réalité, l'établissement de santé a seulement reçu 50 000 euros de la part de Balocco plusieurs mois avant le lancement de l'opération, alors que les sociétés de Chiara Ferragni ont de leur côté encaissé 1 million d'euros pour l'utilisation de l'image de Chiara Ferragni et la création de contenu autour des "Pandoro Pink Christmas".
En Italie, c'est un véritable séisme. L'influenceuse, qui admet avoir fait "une erreur de bonne foi en liant une action commerciale et une action caritative" devient, du jour au lendemain, persona non grata, tandis que la presse se délecte de sa chute. D'autant que quelques mois plus tard, l'AGCM révèle un cas similaire impliquant à nouveau Chiara Ferragni avec cette fois la marque de chocolat Dolci Preziosi et l'association I Bambini delle Fate. Trop c'est trop, l'Italienne voit son nombre d'abonné-e-s chuter, tandis que son entreprise Fenice passe de 12 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023 à 2 millions en 2024 selon le quotidien national Corriere della Sera.
De leurs côtés, Tod's ne reconduit pas la femme d'affaires à son conseil d'administration, Coca-Cola renonce à diffuser un spot tourné avec l'entrepreneure et Safilo rompt sa licence de lunettes avec la griffe de la Blonde Salad. Ne manque plus qu'un divorce sur fond d'infidélité de son mari en novembre 2024 pour envoyer l'ex-icône nationale aux oubliettes.
Chiara Ferragni, le phœnix ?
C'était sans compter sur la résilience — que certain-e-s pourraient volontiers qualifier d'acharnement — de Chiara Ferragni. Malgré un procès pour fraude prévu à l'automne 2025, elle retrouve progressivement un semblant de vie publique. En février, elle fait même la couverture de ELLE Romania, avant d'assister à la fashion week automne-hiver 2025-2026, au cours de laquelle elle se rend aux défilés Dsquared2, Roberto Cavalli, Giuseppe di Morabito, Stella McCartney et Schiaparelli pour ne citer qu'eux. Sous les photos qu'elle partage sur son compte Instagram, le mot-dièse #invitedby est spécifié à chaque fois, dans un souci de transparence maximal.
Le 29 avril, elle choisit une nouvelle fois le réseau social pour annoncer qu'elle est désormais propriétaire à 99 % du label qui porte son nom. "Cette décision est une étape concrète. C'est le choix de reprendre le contrôle de mon histoire : j'arrête de déléguer, de prétendre que tout va bien quand ce n'est pas le cas (...) J'essaye de bâtir quelque chose de nouveau. Avec de l'application, de la transparence, de la responsabilité."
Ce nouveau départ convaincra-t-il le grand public ? Affaire à suivre.