Alors que les cheveux bouclés, frisés et crépus ont été cramés pendant des années durant sous les plaques brûlantes d'un fer à lisser à 200°C, les cheveux texturés empruntent - doucement mais sûrement - leur chemin vers la liberté. 

L'industrie de la cosmétique les voit et les marques sont plus de plus en nombreuses à proposer sur le marché des gammes entières de produits dédiés aux natures de cheveux de type 2B (ondulés) à 4C (crépus).   Une nouvelle ère qu'il était de temps de voir arriver quand on sait que les personnes aux cheveux texturés représentent plus de 60 % de la population mondiale, selon la société de recherche sur la beauté Pivot Point.

Aujourd'hui, sur les podiums des défilés comme dans la rue, les boucles se libèrent, se débarrassant des codes sociaux et des normes de beauté imposées depuis des années. Problème : une injonction en pousse une autre, et les cheveux texturés sont de nouveau confrontés à un standard de beauté : celui de la boucle parfaite, définie et sans frisottis. Un énième diktat largement dénoncé par les principales concernées sur les réseaux sociaux.

Un agacement général sur les réseaux sociaux

C'est principalement sur TikTok que les jeunes femmes aux cheveux texturés prennent la parole, agacées de recevoir des commentaires en ligne comme dans la vraie vie, sur la manière dont elles devraient coiffer leurs boucles.

"Arrêtez de nous faire croire que les boucles qui ne sont pas définies font 'négligées'", écrit une internaute sur sa vidéo. "Pendant des années, nous avons été ignorées par l'industrie cosmétique, et maintenant que l'on veut enfin assumer nos cheveux naturels et en prendre soin, on nous fait comprendre que la société n'accepte que les cheveux bouclés définis et brillants", dénonce une autre.

Très engagée à ce sujet, la coiffeuse spécialisée en cheveux texturés Shyness Beauty, qui partage sur son compte des avant/après impressionnants de femmes souhaitant retrouver leur chevelure naturelle, s'empare régulièrement de son compte pour mettre cette problématique en avant : "Être une 'curly' en 2025 c'est ok, mais avoir des cheveux crépus, des frisottis, ne pas mettre une tonne de produits, ne pas avoir définition parfaite et avoir du volume, c'est trop sauvage, trop sale, pas professionnel, pas acceptable."

Spoiler alert : toutes les chevelures texturées ne sont pas faites pour être définies. "Certains types de cheveux, comme les cheveux crépus ou en zigzag très serré, ne forment pas naturellement de boucles bien définies, et c’est précisément ce qui fait leur singularité et leur beauté. De même, les cheveux frisés peuvent avoir des boucles irrégulières ou plus lâches, ce qui ne diminue en rien leur charme, tous les cheveux texturés ont des caractéristiques uniques, et chercher à imposer une définition uniforme à toutes les textures revient à nier cette diversité", indique Sandrine Sophie, fondatrice de la marque de soins capillaires naturels pour cheveux texturés Kalia Nature  

@its_shynessl Ah c’est pas facile d’être une curly si tu ne rentre pas dans les cases “acceptables” pour être considéré et inclus… N’oublie pas de faire tes fingers coiling et de vider ton pot de crème et de gelée sur tes cheveux sinon tu es pas la bienvenue.. les cheveux crépus, le volume naturel, les frisottis, les boucles imparfaits euuhhh vous c’est À LA POUBELLE ?? C’EST PAS CENSÉ ÊTRE UNE COMMUNAUTÉ? Les cheveus TEXTURÉS c’est : cheveux à ondulés, bouclés, frisés et CRÉPUS, ce n’est pas juste les cheveux “Bouclés”… le combat est NUL si vous excluez une partie de la communauté ! La police des boucles je vous aime pas! —————————— #mywork #CURLNPOSITIVEBYSHYNES #curlyhairproblems #hairinclusion #curlncutbyshynessl #naturalhair ? original sound - Daddy

"Des normes de beauté imposées par des standards eurocentrés"

Sandrine Sophie résume bien la raison à l'origine de ce nouvel idéal de beauté : "Cette association est le résultat d’héritages culturels et de normes de beauté imposés par des standards eurocentrés. Pendant des siècles, les cheveux lisses ou les boucles bien définies ont été perçus comme des idéaux, car ils reflétaient un contrôle ou une discipline qui correspondait aux attentes des sociétés occidentales.

Les cheveux crépus, frisés ou en zigzag, souvent qualifiés de 'rebelles' ou "d'indomptables' ont été marginalisés, ce qui a engendré une pression immense pour les femmes et hommes aux cheveux texturés qui ont dû 'conformer' leur chevelure à ces normes."

La valorisation des boucles bien définies s’inscrirait donc dans une recherche de contrôle et d’ordre, selon l'experte. "Heureusement, les mentalités évoluent. Aujourd’hui, il y a un mouvement croissant qui célèbre la diversité des cheveux texturés et valorise chaque type de texture, qu’il s’agisse de boucles bien définies, de cheveux crépus avec du volume ou frisés plus mousseux. La beauté ne réside pas dans le contrôle ou la définition, mais dans l’authenticité. Pour cela, il faut surtout avoir en main les produits adaptés aux besoins spécifiques des cheveux texturés", précise-t-elle.

Les cheveux texturés encore trop souvent sous-représentés 

Si cette nouvelle norme de beauté des boucles surgit, c'est aussi car les cheveux texturés non définis sont sous-représentés dans l'espace public. Dans les publicités ou sur les défilés, chaque apparition d'une chevelure frisée ou crépue est soigneusement travaillée avec une multitude de produits, voire directement coiffée au fer à friser. Pas un frisottis à l'horizon et une brillance extrême : problématique quand on souhaite représenter une texture de cheveux qui cherche justement à se libérer des codes qui voudraient les "discipliner" à tout prix.

Le cheveu texturé a malheureusement encore du chemin à faire pour être totalement accepté comme il est.