On rencontrait pour la première fois la championne de sabre, Charlotte Lembach, en plein coeur de l’été 2023, à la sortie d’un entraînement à la salle d’escrime d’Orléans (Loiret), où elle nous confiait ses rêves d’or olympique. 

Et puis, la confiance installée, la conversation avait dévié vers plus d'intimité. Son autre rêve - "plus grand, plus fort" -, celui d’avoir un enfant, avait dû être repoussé pour se donner une chance de briller à Paris 2024. 

Parce que Charlotte Lembach a été l’une des premières athlètes de haut-niveau à lever un tabou encore largement présent dans le monde du sport : celui de devoir faire un bébé dans un "créneau", entre deux olympiades. 

Car parfois, ça "ne fonctionne pas comme ça". Un diagnostic d’endométriose et un protocole de PMA plus tard (à déclencher, quand elle serait prête, après son ultime tour de piste), la sabreuse avait annoncé mettre en pause son projet famille pour se mesurer à l’Olympe une dernière fois. 

Mais près d’un an après cet échange fort, c’est la voix émue et le coeur léger que nous retrouvons la championne, à quelques mois du coup d’envoi des JO de Paris 2024. À l’aube de l’événement sportif planétaire, l’athlète choisit finalement de raccrocher définitivement le sabre, pour célébrer une tout autre victoire, comme elle nous le révèle en exclusivité. 

Marie Claire : Il y a presqu’un an, vous nous confiiez avoir mis entre parenthèses votre projet d’avoir un enfant pour rêver une dernière fois de l’or olympique. À quelques mois de Paris 2024, où en êtes-vous ?

Charlotte Lembach : "Disons que l'or olympique, ça va plutôt être mon futur bébé (sourire). 

C'est mon miracle, ma plus grande victoire. Depuis après les JO de Tokyo (elle y a remporté une médaille d'argent, ndlr), on avait envisagé de fonder une famille avec mon compagnon. Mais, le temps passait... Finalement, en mai 2023, j'ai découvert que j'avais de l'endométriose et que c'était pour ça qu'on n'y arrivait pas naturellement. Nous avions envisagé, avec les spécialistes, un protocole de PMA pour après les Jeux.

Les JO s'éclipsent pour laisser place à la plus belle nouvelle de ma vie. 

Et puis finalement, de manière naturelle, ce petit être est arrivé sans passer par tout ça. Les JO s'éclipsent pour laisser place à la plus belle nouvelle de ma vie. 

Vous avez été l’une des premières à prendre la parole sur le difficile timing des athlètes de haut niveau pour faire un enfant entre deux JO. Pourquoi est-ce important d’en parler et de vous faire aujourd'hui le visage d'un message d’espoir ? 

C'est vrai que souvent, on est limité dans le temps pour faire un enfant quand on est sportif. Surtout quand on veut faire un enfant et qu'on veut continuer sa carrière.

J'ai toujours dit, qu'après les Jeux de Tokyo, mon objectif était d'être enceinte. Bien sûr, je me suis mis la pression à un moment donné en me disant, 'si je ne tombe pas enceinte avant telle ou telle date, ça sera compliqué si je veux faire les Jeux à Paris'.

Maintenant, je pense qu'il faut juste être clair avec son projet et qu'il ne faut pas se mettre de pression. Je l'ai bien ressenti parce que, au moment où je me sentais le mieux dans ma vie, c'est arrivé, alors que je n'essayais plus de tout calculer.

Et quand on est sportif de niveau, on est tout le temps dans le calcul. Il faut être bon à telle période. Se dire : 'les Jeux, c'est dans tant de mois, il faut que je sois prête à ce moment là'. On est conditionné à faire des choses dans un temps restreint parfois et c'est ce que je regrette un peu, car on s'oublie.

N'a-t-il pas été trop difficile de garder le secret, en pleine période de qualification ? 

Si, parce que j'ai appris la nouvelle en plein dans les phases de qualif'. Je savais donc que je n'irai pas au Jeux, mais je suis restée dans l'objectif d'aller au bout du chemin, en donnant tout.

Après, je pense que mon esprit était un peu ailleurs. Et puis, j'avais aussi peur à l'entraînement. Alors, j'ai essayé d'adapter les choses, sans que ça ne se voit, même mon entraîneur n'était pas au courant ! Quand on partait en compétition, c'était délicat, parce qu'on ne peut pas tout manger, qu'il faut faire plus attention aux coups... 

Je savais que sur ma dernière épreuve de qualif' (qui s'est tenue le 17 mars 2024, ndlr), je ne serais pas sélectionnée pour les Jeux, même si je gagnais. Donc j'avais un peu annoncé à tout le monde que c'était la dernière, sans expliquer la vraie raison. J'ai profité de ce moment, avant d'entamer ma nouvelle vie.

Avant d'apprendre la nouvelle, comment avez-vous abordé cette saison olympique ? 

Quand je suis revenue en septembre 2023, après une blessure, j'étais dans les cinq premières filles au niveau des points, jusqu'à l'avant-dernière compétition. Vraiment, j'étais bien.

Mais une fois la nouvelle apprise, ça a été difficile de se battre pour un évènement auquel je n'allais pas pouvoir participer. Par contre, j'ai essayé de profiter de chaque moment, de chaque compétition avec le groupe et de me donner à fond pour elles. 

Ça a été difficile de se battre pour un évènement auquel je n'allais pas pouvoir participer.

Par contre, ce qui a été un peu plus difficile à vivre, c'est le regard de certains médias, qui se sont permis de titrer sur ma retraite, après ma dernière défaite. En disant que je mettais fin à ma carrière, car je n'avais pas obtenu de ticket pour Paris, sans pour autant me consulter...

En parallèle, je discute avec plusieurs athlètes à qui, quand je dis que je ne suis pas qualifiée pour les Jeux, me répondent : 'Mais comment tu fais pour aussi bien le prendre ? Moi, je suis au bout, je suis dégoûté'. Je leur dis que c'est la plus belle annonce de ma vie et ils ne comprennent pas forcément sans le contexte (rires). Mais, ma médaille olympique, je l'ai déjà eue, c'était un peu la cerise sur le gâteau Paris 2024. Ma maternité, c'est un miracle, c'est bien plus qu'une victoire aux JO. 

Est-ce la plus belle fin de carrière que vous auriez pu espérer ? 

Je n'ai même pas osé y rêver pour tout vous dire. C'est la plus belle des transitions entre l'année de mon arrêt de carrière et ma vie de famille, de femme, qui commence.

Souvent, on parle de la petite mort du sportif. Moi, il n'y a pas de petite mort. Il y a la vie qui arrive.

Avec mon diagnostic d'endométriose, on m'avait dit que j'avais un pourcentage très faible de tomber enceinte naturellement. Donc finalement, je me dis que moi, mon combat contre la maladie, je l'ai gagné. Si l'on y croit, si l'on se laisse la possibilité de rêver, d'avoir cette liberté et de ne pas se mettre la pression par rapport à la société, par rapport à un certain âge... On peut y arriver. Qu'on soit sportive ou non, on n'a pas de date de péremption".