"Le petit-déjeuner, c’est le repas le plus important de la journée", "tu es trop grand.e pour prendre un goûter"... Des poncifs et autres façons de penser nous ont toujours imposé une manière de manger - ou non. 

Peut-être parce que la logique des "trois repas par jour" - comme le préconise MangerBouger.fr - et ses rendez-vous alimentaires à heures fixes au cours de la journée s'appuie sur notre "rythme circadien". Ce cycle, d’environ vingt-quatre heures, fait se répondre un certain nombre de processus biologiques, comme le sommeil et l’alimentation. S’ils ne sont pas respectés, ces éléments perturbent l’équilibre global de l’organisme et l’horloge interne.

Et en effet, la nourriture - notre "carburant" - fournit des apports caloriques, qui donnent de l’énergie au corps, qui le dépense ensuite... Et ainsi de suite. Mais alors, comment notre corps réagit-il lorsque nous oublions de nous attabler dans la journée, de temps en temps ? 

Selon Faïza Bossy, médecin nutritionniste, tout est à relativiser : "il existe une juste mesure entre oublier de prendre un petit-déjeuner une fois de temps à autre et une irrégularité totale de la prise des repas, qui pourrait avoir des conséquences néfastes, à long terme".

Fatigue, sensation de malaise et chute de tension : des conséquences santé moindre

D’un point de vue physiologique, pas de quoi s’inquiéter si cela reste occasionnel. "Sauter un repas de temps en temps n’a que très peu d’impact sur la santé", rassure Faïza Bossy. 

S’il advient que vous n’avez pas le temps, un matin, de vous restaurer avant d’aller au travail, pas de quoi paniquer : "vous sentirez un petit ralentissement idéomoteur, c’est-à-dire une petite diminution des fonctions physiques et psychiques par diminution globale du traitement de l’information, de la fatigue et vous vous sentirez un peu irritable, voilà tout", précise la médecin. 

Dans le pire des cas, cela peut conduire à une chute de tension et une sensation de malaise. Ces symptômes s’évaporeront dès que vous aurez ingéré quelque chose, mais à noter que "le minimum syndical, c’est de s’hydrater".

Une sur-compensation sur le repas suivant

"Le seul bémol reste que ce comportement encourage, au repas suivant, de se tourner vers une alimentation rapide à préparer et à ingérer, souvent grasse et sucrée, et évidemment peu recommandée pour la santé", prévient-elle. 

Pourtant, l'idée n'est pas forcément de "compenser" au repas suivant. "Attention, sauter un repas ne veut pas dire que vous allez perdre du poids et que vous ne devez pas veiller à l'équilibre alimentaire au repas suivant". 

Dans ce cas, il vaut mieux "fractionner les portions jusqu’au soir, plutôt que de prendre une portion anormalement importante et ainsi augmenter les apports, alors que les besoins du corps n’ont pas augmenté", appuie-t-elle.

À noter qu'à long terme, la consommation de nourriture grasse et sucrée - après des repas sautés trop fréquents - peut amener à "une modification du microbiote".

Saut de repas : de l'importance de ne jamais se forcer

De plus, il faut différencier ce qu’on appelle les "petits mangeurs" de celui ou celle qui saute sciemment un repas. Si le corps est habitué à un certain apport journalier, il n’y a pas de raison qu’il manifeste un manque quelconque. 

"Les petits mangeurs peuvent se contenter de deux repas par jour. Il faut écouter son corps et sa sensation de satiété, d’autant plus s’il s’agit d’une habitude ancrée dans le cadre de vie", rapporte la médecin, avant de poursuivre "le concept des trois repas par jour est né dans les années 80 mais est un peu obsolète aujourd’hui, surtout car nos habitudes de vie occidentale de cadre sédentaire nous font faire moins d’effort physique, donc le corps demande un apport moindre".

Ce qui compte, c’est d’écouter son horloge interne et manger lorsque l’on a faim. "Rien ne sert de se forcer", insiste Faïza Bossy.

Sécrétion du cortisol, pic d'insuline : une habitude qui heurte le corps

Si le fait de sauter un repas devient une habitude systématique et que l’on opère une période de jeûne trop longue, à savoir entre 28h et 72h, "cela peut avoir des conséquences dramatiques sur l’organisme", prévient-elle. 

Dans ce cas de figure, le corps ne reçoit plus d’apport calorique, mais est surtout confronté à un dérèglement de ses habitudes et, par conséquent, cela chamboule son cycle circadien.

Le déséquilibre peut se manifester par une frilosité accrue, une tension artérielle en hausse qui, à terme, peut se transformer en hypertension (la première maladie cardiovasculaire responsable de décès cardiaque), l’insuline se trouvera déréglée, risquant à terme un diabète de type 2, votre cerveau sécrétera du cortisol, l’hormone du stress et vous serez perturbé par des troubles de l’humeur et une tendance à la déprime, informe Faïza Bossy.

D’ailleurs, si l’horloge interne est trop bousculée, "cela peut cacher, par la suite, des complications cardiovasculaires", alerte la médecin nutritionniste. Parfois même, "une véritable irrégularité dans la prise des repas est un signe de troubles du comportement alimentaire".

À l’inverse, ne jamais sauter un seul repas et être trop strict sur la prise des repas - en se forçant à manger - peut cacher une "orthorexie". Et "l’orthorexie relève également du trouble du comportement alimentaire, notamment car la rigidité prive du plaisir de manger et cela a forcément une incidence sur le corps", termine la diététicienne.