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Cancer : quand rémission rime avec dépression

Cancer : dépression après rémission
Contrairement à ce qu’on imagine, la fin des traitements anti-cancéreux ne procure pas toujours un sentiment de bonheur immédiat. Certes tous les patients sont soulagés d’avoir vaincu "le crabe" et d’arrêter la chimiothérapie ou les rayons. Mais quand le corps a expulsé la maladie, c’est le moral qui lâche.

"Le coup de blues après traitement est assez fréquent, constate la psycho-oncologue Audrey Ginisty, auteur du blog lapsyquiparle.fr*. Au moment de l’annonce du cancer et pendant toute la durée des traitements, on ne réfléchit pas, on fonce. Les patients sont dans l’action : ils luttent contre la maladie qui canalise toute leur attention. Beaucoup prennent conscience seulement après de tout ce qu’ils ont endurés, une fois les traitements terminés". Après l’état de choc et la combativité, une dépression réactionnelle peut ainsi s’installer.

Faire le deuil de sa maladie

Aussi paradoxal soit-il, il n’est pas simple de tourner la page du cancer et de son vécu de malade. "Ma famille et mes amis me disaient tous : super, tu es guérie ! Tu dois flotter sur un petit nuage et avoir envie de faire la fête, se souvient Caroline qui a traversé cette épreuve. Comment leur dire que j’allais mal, que je ne me sentirai plus jamais normale, plus jamais comme avant ?" La maladie laisse des traces ancrées profondément dans la chair.

"Il faut faire le deuil du cancer. Beaucoup de patients se sentent soudain abandonnés du corps médical, comme lâchés dans la nature après des mois de suivi très encadré. Ils sont livrés à eux-mêmes, en perte de repères", observe l’hypnothérapeute Anne Boutelant** qui aide des anciens malades à remonter la pente et à se projeter dans un "nouveau moi". Dans cette société où les injonctions au bonheur sont permanentes, le mal-être est peu accepté, surtout chez une personne sensée exploser de joie.

Une immense fatigue à surmonter

Deux ans après la fin des traitements, 80% des personnes en rémission subissent encore une très grande fatigue. 65% des femmes présentent aussi des troubles de la sexualité : perte de libido, sécheresse vaginale intense qui empêche toute pénétration… Sans compter les douleurs susceptibles de persister suite aux interventions chirurgicales notamment, pour extraire la tumeur et reconstruire un sein par exemple. "Il faut aussi se réapproprier le sommeil et accueillir ses peurs qui ne partent pas avec la maladie", explique Anne Boutelant.

Après avoir été aux petits soins pour le malade pendant la phase de traitement, l’entourage a aussi lâché la bride. Le conjoint est moins attentif et a cessé de gérer la totalité des corvées quotidiennes, les enfants recommencent à multiplier les caprices, les amis téléphonent moins souvent pour prendre des nouvelles… "Je n’ose pas me plaindre, témoigne Christelle, en rémission depuis huit mois. Tout le monde a longtemps pris sur soi. Maintenant que je suis guérie, difficile de leur demander autant de sollicitude et d’aide qu’auparavant".

Une blessure à cicatriser

"Beaucoup de femmes ont le moral en berne plusieurs années après leur cancer du sein, souligne Claire Lesrel, responsable des soins de support aux Thermes La Roche-Posay qui accueillent chaque année 2500 personnes en cure post-cancer. Elles doivent cicatriser leur peau mais aussi leur psychique car il faut du temps pour renouer avec son image et retrouver la confiance en soi. Ce n’est pas simple de baigner dans le bonheur quand on conserve une épée de Damoclès au-dessus de sa tête car qui dit rémission ne dit pas forcément guérison". La crainte de la récidive persiste en effet longtemps. "Les examens de contrôle réguliers (à 3 mois, 6 mois, un an, etc…) les ramènent toujours à la maladie et suscitent une énorme anxiété, ajoute Claire Lesrel. De plus, après la chimiothérapie, beaucoup de femmes prennent durant 5 à 10 ans un comprimé quotidien d’hormonothérapie qui leur rappelle en permanence qu’elles ont eu un cancer du sein. Sans compter les effets secondaires - douleurs musculaires et articulaires, prise de poids, parfois bouffées de chaleur… - qui vont avec". Nombre d’anciennes patientes se plaignent aussi de troubles de mémoire qui les insécurisent. "La chimio m’a bouffé des neurones", disent-elles.

La vie familiale parfois ébranlée

Un cancer est une affection de longue durée (ALD) qui nécessite un arrêt de travail prolongé. Du coup, des problèmes financiers se posent au sein des foyers car les indemnités journalières s’élèvent à 50% du salaire de base (plus de 66% si on a 3 enfants). Certaines femmes sont très épaulées par leur compagnon mais d’autres se retrouvent seules car elles étaient déjà célibataires ou ont été quittées par leur conjoint à l’annonce de la maladie. Le cancer est un tremblement de terre au sein du couple qui s’exprime aussi parfois dans l’après-cancer. Toute la famille a été déstabilisée par cette épreuve, ce qui conduit à redéfinir les priorités de vie. Des couples solides volent ainsi en miettes une fois les traitements finis.

Et si cette déprime était utile ?

"Il ne faut surtout pas culpabiliser si on se sent très fatigué et déprimé à ce moment-là, assure Audrey Ginisty. Cette phase de blues est utile, elle fait partie du chemin car le repli sur soi est nécessaire pour digérer toutes les émotions passées, prendre conscience de ce qu’on a vécu et envisager le futur". Cette période de convalescence psychique peut durer une bonne année, voire plus avant qu’un nouvel équilibre s’installe. "On ne peut pas faire comme si la maladie n’avait jamais existé, remarque Anne Boutelant. Il ne faut pas la nier et accepter d’aller mal. Après autant de souffrances, on reprend une autre vie, jamais exactement celle d’avant. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à se faire aider par un professionnel pour appréhender au mieux cette phase de transition".

"Une prise en charge psychologique après un traitement du cancer n’est pas un luxe, estime Audrey Ginisty. Quelques patients redoutent de reparler à nouveau de leur malade, pensent que cela ne servira à rien, mais c’est tout le contraire. Cela va agir sur la perception de leur vécu et leur permettre de trouver les ressources intérieures nécessaires pour se reconstruire". Des psychologues spécialisés sont présents dans tous les services d’oncologie. Les consulter est un pas de plus vers la vie.

*La psy qui parle propose des stratégies pour rester acteur de sa vie face à la maladie et une formation vidéo gratuite pour apprivoiser la fatigue liée aux traitements http://lapsyquiparle.fr/

** www.anneboutelant.com

[Dossier] Octobre Rose : tous unis contre le cancer du sein avec l'association Ruban Rose - 51 articles à consulter
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