Les chiffres sont tombés en plein été : "Entre 1990 et 2023, le nombre de nouveaux cas de cancers a doublé, avec une augmentation de 104 % chez la femme, toutes localisations confondues", selon l'Institut national du cancer. Et sans surprise, en 2023, sur les 187 526 cas de cancers chez la femme, le plus fréquent reste le cancer du sein, avec 61 214 cas.
C'est dans ce contexte morose de la santé en France que l'Institut Curie, l'Université PSL et l'Inserm viennent de créer le premier Institut des cancers des femmes (39 bis, rue Gay-Lussac, Paris 5e). C'est la Pre Anne Vincent-Salomon, pathologiste, présidente du Comité scientifique du Ruban Rose depuis onze ans, qui a été nommée à sa direction.
"Les instituts hospitalo-universitaires sont des accélérateurs de l'innovation en santé, se réjouit-elle. Il nous faut un regard nouveau pour faire des avancées majeures. Nous sommes convaincus que l'interdisciplinarité sera source de force sans oublier, bien sûr, les patientes, partie prenante de notre Institut. Elles sauront nous rappeler que notre but est de les guérir, mais aussi d'éviter les cancers, donc de mieux prévenir.
C'est une bonne nouvelle dans la mesure où l'incidence du cancer du sein augmente, et même si la survie est de 87 % à cinq ans, il est mortel quand il est métastatique. On va donc mettre les moyens pour comprendre pourquoi il peut devenir métastatique et ce, des années après le cancer initial. Le cancer du col de l'utérus voit sa survie diminuer, le cancer de l'ovaire, dépisté tard, affiche seulement 43 % de survie à cinq ans, et celui de l'endomètre est en incidence croissante puisqu'il est associé à l'obésité, un problème de santé publique qui gagne la France. Et puis, on n'entend jamais parler des cancers mutilants qui atteignent la femme dans sa féminité, ceux de la vulve et du vagin. Nous allons nous en emparer."
L'Institut des cancers des femmes, structure inédite d'envergure internationale qui place les femmes au cœur de la recherche et de l'innovation, est un signal fort envoyé aux médecins engagé.es dans la lutte contre le cancer du sein.
Trois d'entre elles témoignent. Et nous font part de leurs avancées onco-esthétiques, permettant aux patientes de se réapproprier leur visage après la maladie, des nouveaux traitements mieux adaptés aux résistances ainsi que d'une évaluation des risques de plus en plus précise. Trois sources vives d'espoir.
Audrey Michot : "Je me bats pour l'après-cancer"
"J'ai décidé de travailler en cancérologie avant que ma sœur ne soit touchée mais cela n'a fait qu'encourager mon choix. Je suis chirurgienne, diplômée en chirurgie plastique et en cancérologie. Je me bats pour l'après-cancer, la reconstruction est une part essentielle de la prise en charge de la maladie.
Une jeune patiente m'a dit : 'Je n'ai plus la même voix à cause d'un cancer de la thyroïde, puis le cancer m'a pris mes seins et mon visage, je ne me reconnais plus. Pouvez-vous faire quelque chose pour moi, docteure ?' Je l'avais accompagnée chez un de mes collègues dans le privé, n'ayant pas accès au produit dans ma structure et on lui avait injecté de l'acide hyaluronique.
La chimiothérapie et aussi l'hormonothérapie induisent une ménopause précoce, avec une détérioration prématurée de la qualité de la peau. Mon idée n'est pas de modifier l'aspect des patientes en touchant à leurs lèvres ou à leur nez, mais d'injecter de l'acide hyaluronique dans les zones qui me paraissent importantes : les cernes creux qui donnent un aspect fatigué, les pommettes et les sillons nasogéniens pour rehausser l'ovale du visage. Mes collègues chirurgiens digestifs m'ont un peu raillée au début, mes collègues senologues, elles, me soutiennent.
Pour moi, la socio-esthétique fait partie du parcours de soins, je veux redonner de la confiance en soi aux patientes, leur permettre de se réapproprier ce que la maladie leur a pris. Si l'étude que je lance cet automne au sein de l'Institut Bergonié démontre les effets bénéfiques des injections d'acide hyaluronique dans le visage, cela sera peut-être pris en charge un jour dans les hôpitaux publics."
Audrey Michot est Chirurgienne plasticienne et oncologue à l'Institut Bergonié (Bordeaux). Elle est lauréate du Prix Qualité de Vie Ruban Rose 2022.
Fatima Mechta-Grigoriou : "Notre objectif est de comprendre les tumeurs"
"Ma vocation est liée à une expérience traumatique : à 16 ans, une amie est décédée d'une leucémie. J'ai vu la recherche comme un moyen d'apporter des réponses à des pathologies mal comprises. Dans mon laboratoire, on s'est rendu compte en travaillant sur des cancers de très mauvais pronostics que certaines femmes répondaient mieux aux traitements que d'autres. Et aussi que le stress oxydant avait une influence sur leur réponse aux traitements.
Notre pierre angulaire est de comprendre les tumeurs, leurs différences, leur hétérogénéité, leur capacité d'adaptation. En travaillant sur le micro-environnement tumoral, on a démontré l'impact très fort des fibroblastes et réalisé des recherches pour mieux comprendre les mécanismes de résistance. On sait que les patientes atteintes de cancer du sein Triple-négatif (TN) les accumulent, ce qui empêche en partie l'action des immunothérapies.
Nous avons obtenu, l'an dernier, un financement hospitalo-universitaire de 10 millions d'euros pour mener des essais cliniques ciblant ces populations de fibroblastes. L'objectif est de transférer ces résultats scientifiques en progrès médicaux. Des thérapies proposées permettent une amélioration de la survie des patientes mais nous avons encore des efforts à faire sur certains types de cancers tels que les cancers du sein TN. Notre but est de mieux les comprendre pour mieux adapter les traitements. Et cela se fera en associant la médecine, la biologie et l'intelligence artificielle."
Fatima Mechta-Grigoriou est Directrice du laboratoire Stress et cancer à l'Institut Curie (Inserm U830). Elle est lauréate du Grand Prix Ruban Rose 2017.
Dominique Stoppa-Lyonnet : "Je suis une espèce de Madame Irma, j'évalue le risque"
"Mon cheval de bataille, c'est le cancer du sein et de l'ovaire, dont respectivement 5 et 10 % sont héréditaires. J'ai une activité de diagnostic et de recherche. Je suis une espèce de Madame Irma, j'évalue le risque de prédisposition en fonction des éléments d'orientation : l'histoire familiale, les apparentés proches du côté maternel ou paternel, les caractéristiques de la tumeur et les âges au diagnostic.
Ensuite, au laboratoire à partir d'une prise de sang, grâce à de puissantes capacités de séquençage, on étudie un panel 'sein-ovaire' de treize gènes, dont BRCA1, popularisé par Angelina Jolie, et BRCA2. Quand on détecte un facteur de risque, en l'occurrence une altération, on fait des recommandations de prise en charge, dont un suivi mammaire par IRM, une mammographie annuelle dès 30 ans.
On peut aussi discuter de la chirurgie mammaire avec reconstruction, un sujet difficile. Pour la prévention du risque de cancer de l'ovaire, aujourd'hui, on recommande l'ablation des ovaires et des trompes dès 40 ans pour BRCA1. Ce geste dépend cependant du gène incriminé et du projet parental. On s'adresse à une femme, pas qu'à son risque. Il faut avoir une vision holistique de la personne. L'idée de cette médecine est de prévenir au mieux."
Dominique Stoppa-Lyonnet est Responsable du service de génétique de l'Institut Curie et professeure de génétique médicale à l'Université Paris Cité. Elle est lauréate de la Bourse de Recherche Grand Prix Ruban Rose 2022.
Ruban Rose 2023, toujours plus mobilisé
Créée en 2003 par les groupes Estée Lauder et Marie Claire, l'association Ruban Rose est aujourd'hui l'association référente sur la lutte contre le cancer du sein. Elle est dotée d'une double mission : la sensibilisation et la participation active à la recherche. Chaque année, Octobre Rose marque le début d'une campagne de communication internationale destinée à mobiliser et à sensibiliser les femmes et leur entourage sur l'importance de faire surveiller leurs seins. La détection précoce permet en effet à neuf femmes sur dix de guérir à l'horizon de cinq ans.
Pour lutter contre les cancers du sein qui touchent une femme sur huit, mécènes, entreprises, particulier·ères, associations, collectivités locales... sont de plus en plus nombreux·ses à se mobiliser aux côtés de l'association, lui permettant de collecter en 2022 plus de 3 millions d'euros.
Depuis vingt ans, l'association poursuit son engagement pour la recherche sur le cancer du sein en soutenant des projets dans le cadre des Prix Ruban Rose et aura ainsi reversé près de 8 millions d'euros à 98 projets de recherche. 1 850 000 euros seront reversés à dix projets cette année.
Depuis 2012, pour rendre hommage à Evelyn H. Lauder, The Estée Lauder Companies France organise un concours photo national : le Estée Lauder Companies Pink Ribbon Photo Award. Cet évènement en soutien à l'association Ruban Rose, a pour objectif de mobiliser le grand public aux cancers du sein. Les finalistes 2023 seront annoncés le 2 octobre et les noms des quatre lauréat·es seront dévoilés lors de Paris Photo, partenaire du concours (du 9 au 12 novembre 2023 au Grand palais Éphémère, Paris).
- Votre magazine en version numérique en avant-première (+ les anciens numéros)
- Tous les contenus du site en illimité
- Une lecture zen avec publicité réduite
- La newsletter spéciale abonnées qui vous fera part :
- Des jeux-concours exclusifs
- De nos codes promos exclusifs
- Des invitations aux événements Marie Claire
VOTRE PACK BEAUTÉ & BIEN-ÊTRE
- 10 € de réduction sur la Box Beauté Marie Claire du moment
- 3 mois gratuits sur Le Tigre : Yoga, pilates, relaxation ... sans modération !