En ce mois de sensibilisation au cancer du sein, "Le Camion d'Octobre Rose" s'est stationné pour quelques jours place de la République, à Paris. Débutant son parcours dans le populaire 10ème arrondissement de la capitale, l'imposant véhicule rose et blanc marquera des arrêts dans plusieurs villes d'Île-de-France*, entre le 4 et le 28 octobre 2022.

À son bord, des radiologues et professionnel.le.s de santé proposent à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans (qui devront avoir pris rendez-vous au préalable sur la plateforme Doctolib) de réaliser une mammographie. Et c’est tout l’enjeu de ce camion : partir à la rencontre de toutes les femmes pour les inciter au dépistage organisé du cancer du sein, qui présente un taux de survie à 5 ans de 87% lorsque le diagnostic est précoce. En moyenne, une vingtaine de femmes y seront accueillies chaque jour.

L’an passé, lors de la première édition du Camion d'Octobre Rose, 290 femmes ont ainsi pu être dépistées tandis que la même année, le taux de participation national des femmes au programme de dépistage organisé du cancer du sein accusait toujours une baisse. Chez les Franciliennes, une participation très faible (36,7%) était d'ailleurs une nouvelle fois relevée par Santé Publique France.

Dédramatiser la mammographie

"Notre objectif est d’aller à la rencontre des femmes pour dédramatiser le dépistage. Avec nos partenaires radiologues, nous voulons montrer aux femmes qu'il existe des solutions de diagnostic innovantes, sans douleur, qui peuvent modifier leurs expériences de l’examen", explique Laura Hernandez, Directrice Général de la modalité Santé de la Femme pour l’Europe chez GE Healthcare, l'entreprise qui a mis au point cette unité mobile, en partenariat avec le Centre régional de coordination de dépistage des cancers (CRCDC) et le laboratoire Roche.

Pour son premier jour d'ouverture le 4 octobre dernier, Le Camion d'Octobre Rose a justement reçu la visite de dix résidentes du Centre d'Hébergement d'Urgence pour femmes Chrysalide de l'association Cités Caritas. Situé non loin de la place de la République, il abrite des femmes en situation de grande précarité, pour la plupart immigrées et sans domicile fixe. Souffrant pour la plupart d'un manque de repères, les femmes précarisées se font en effet souvent dépister plus tardivement, Conséquence : le taux de morbidité et de mortalité est plus important dans ce public.

Alors qu'elles s'apprêtaient à descendre le boulevard pour rallier l'unité mobile de dépistage, Marie Claire est allé à leur rencontre. Pour certaines d'entre elles, il s'agit alors de leur toute première mammographie.  

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Un dépistage du cancer du sein accessible à toutes les femmes 

Claire Pian

Emmitouflées dans de gros manteaux, des écharpes et bonnets que les rayons du soleil font briller, Mariama, Marie, Mireille, Fanta, Moseka avancent lentement vers la place de la République. En queue de peloton, Kyu ne quitte pas ses aiguilles à tricoter. Martine, elle, attrape un bus pour descendre plus aisément le boulevard.

"1984 ? Vous êtes trop jeune, vous ne pourrez pas venir au camion, Penda. On ira ensemble faire la mammo' un autre jour". Sur le chemin, Chantal Laurent, l'animatrice sociale qui les accompagne, doit gentiment en congédier quelques unes, pas encore éligibles au dépistage organisé du cancer du sein. "Elles doivent avoir entre 50 et 74 ans et n’avoir pas fait de mammographie dans les deux ans", rappelle-t-elle. Mireille, née en Côte d’Ivoire il y a 47 ans, sait qu’elle est légèrement trop jeune. Elle va tout de même essayer de passer entre les mailles du filet. "C’est trop important. Je crois que l’on ne guérit pas de cette maladie".

Si l'expérience est inédite pour certaines de celles que l'on surnomme affectueusement "les dames de Chrysalide" ; pour d'autres, le rendez-vous est attendu."J’ai déjà été au camion l’année dernière parce que j’avais des douleurs. Je stressais beaucoup, mais pas cette fois", raconte Marie, qui est sortie de la rue il y a plusieurs années maintenant grâce au centre. "Elle était toute contente, elle est venue me voir en criant 'Chantal, j’ai rien !'", se souvient l'animatrice. Pour celle qui prend très à cœur la santé des quarante femmes du centre dans lequel elle travaille, les accompagner se faire dépister, cela fait partie de son job. "[Elles] sont souvent seules et sans ressources, elles ont connu la rue. C’est difficile pour elles d’avoir un parcours de soin quand elles peinent déjà à lire et écrire le français, par exemple".

Une fois sur place, l'ambiance chaleureuse qui règne ôterait presque toute crainte. Pourtant, l'immense camion rose et blanc installé près du monument de la République est bien là pour - potentiellement - détecter une tumeur au sein chez les femmes qui vont entrer à l'intérieur. 

Martine grommelle. Elle est arrivée avant tout le monde, et n’attend qu’une chose, c’est de pouvoir monter dans le camion. Pendant sa consultation, les autres dames de Chrysalide sont accueillies en grande pompe. 

"On sait que certaines femmes ne vont pas se faire dépister par peur de la douleur. Mais on sait aussi que certaines s’en privent, car elles ne parlent pas bien le français, sont hors du système de santé ou évoluent avec un vrai tabou sur le sein. Évidemment, ce sont pour ces femmes en priorité que l’on met en place ce dépistage organisé", nous explique Caroline Nouveau, responsable de la communication chez GE Healthcare, l'entreprise qui a conçu ce camion. "Merci beaucoup pour ce que vous faites. C’est vrai qu’on a peur", lui dit Fanta, 51 ans, qui s’apprête à passer sa première mammographie et a pu obtenir ce rendez-vous grâce à l'aide médicale de l'État (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins.

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Apprendre les gestes qui peuvent sauver

Claire Pian

Martine est la première à sortir du camion. "C’est génial, ça ne fait pas mal du tout", lance-t-elle, comme pour rassurer ses voisines de chambrée. "On m’a proposé de prendre la télécommande pour ajuster moi-même la compression mais j’ai dit non. Des fois que je m’y prenne mal !", s'amuse-t-elle.

"Dans le camion, on a reproduit une véritable salle d’examen, avec des machines à la pointe et des médecins au top", se félicite Caroline Nouveau. Fabriqué "par des femmes et pour des femmes", selon ses termes, le mammographe situé en salle d’examen a été pensé pour le confort des patientes

À l'intérieur du véhicule, un premier local permet de les accueillir et de prendre quelques informations nécessaires pour la consultation. "La manipulatrice s’assure d'abord que la patiente n'a pas fait d’examen trop récent ou qu'elle est trop jeune, détaille Patrick Toubiana, le radiologue présent ce jour-là. Puis, elle passe dans une autre pièce pour faire la mammographie. Après la prise de clichés, elle est dirigée vers un second local où elle est examinée manuellement pour détecter d'éventuelles grosseurs. On peut compléter par une échographie si besoin. Les radios sont ensuite envoyées et visualisées par moi-même sur un écran." En général, une consultation dure entre 20 et 30 minutes

Pendant que le médecin détaillait justement à Martine ses résultats dans le camion, ses pairs ont eu l'occasion de s’initier à une pratique que beaucoup délaissent, surtout par manque d'information sur le sujet. "On va essayer d’allier l’utile à l’agréable", rassure Virginie, elle-même rescapée du cancer, une paire de seins en silicone dans les mains. "Touchez bien à cet endroit, puis celui-là, et vous allez remarquer quelles sont les aspérités qui doivent vous alerter"

L’objectif : leur apprendre à réaliser une autopalpation. En effet, il est possible pour tous.tes de participer à des ateliers d’autosurveillance et d’information encadrés par des sages-femmes et des chargés de prévention du CRCDC-IDF, une fois sur place.

"À la maison je le fais déjà, moi", affirme Marie. Kyu de son côté, a fini par ranger son matériel à tricoter. Cinq minutes avant sa consultation, elle commence à se palper la poitrine elle-même, la mine inquiète.

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Un lieu pour rassurer les femmes

Claire Pian

"Comme vous devez retourner travailler après, vous serez la suivante, enjoint gentiment Chantal Laurent à Fanta, vêtue ce jour-là d'un sweat siglé "I love Paris". Kyu sort au même moment. Les yeux qui sourient autant que sa bouche, elle ne cache pas son euphorie. 

"C’est super top. On m’a compressé le sein dans tous les sens, mais ça ne fait pas mal". Avant de repartir à son tricot, elle joint les mains et baisse la tête face à son animatrice sociale pour la remercier.

Son départ sonne l’arrivée de Moseka, 64 ans, de retour de son rendez-vous chez un kinésithérapeute. Elle a absolument tenu à faire son dépistage, comme elle l’a déjà fait quatre fois. "On est des femmes, il faut le faire". Arrivée au centre le 24 décembre dernier, elle a quitté le Congo en 1992. "Elle suit de près sa santé", témoigne l’animatrice sociale.

À sa sortie du camion, Fanta ne dénote pas par sa réaction. Le pouce levé, un large sourire sur le visage, elle rassure ses comparses. "Ça a été, nickel". Elle mime la compression de son sein, et dit avoir aussi eu droit à une échographie, par sécurité. Rassurée, elle enfile son bonnet, son écharpe et son manteau. Direction les Invalides, où elle travaille.

Finalement, Mireille - trop jeune - et Marie - qui a fait sa dernière mammographie il y a moins de deux ans, ne parviendront pas à se frayer un chemin dans le bus. Si Mireille veut se faire dépister avant ses 50 ans, l’examen ne sera pas remboursé. La Haute autorité de santé (HAS) recommande un examen clinique mammaire annuel par un médecin généraliste ou un.e gynécologue à partir de l’âge de 25 ans.

"Le docteur a dit que j’avais raison lorsque j’ai dit que je n’avais pas besoin d’échographie", relate Martine à Chantal Laurent, en se grillant une cigarette. "Et qu’est-ce qu’il a dit sur le tabac ?", lui répond-elle, ironique. "Non sur ça, il n’a rien dit. Tant que je ne serais pas posée et libérée, je ne pourrais pas stopper la cigarette". La prochaine étape pour les dames de Chrysalide, ce sera justement un dépistage des maladies cardiovasculaires.

* Le CRCDC-IDF (Centre Régional de Coordination des Dépistages des Cancers d'Ile-de-France), avec le soutien de GE Healthcare et Roche, ira à la rencontre des Franciliennes à bord du Camion d'Octobre Rose, unité mobile de dépistage et centre de prévention contre le cancer du sein. Il fera plusieurs étapes à Paris puis dans plusieurs villes d'Ile-de-France, du 4 au 28 octobre 2022. Retrouvez les étapes du camion ici. Prendre rendez-vous pour une mammographie ici.

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