Ils comparent la régularité de leurs "sorties longues", se demandent à combien ils "tournent par", se refilent des conseils sur les meilleurs électrolytes, sans oublier de saluer leurs performances respectives sur Strava.
Strava, c’est l’Instagram des runners, 120 millions d’utilisateur·ices à travers le monde, amateur·ices de course à pied (mais aussi de cyclisme et de marche), dont le franc succès est le parfait indicateur de l’engouement autour du running, passé en quelques années d’un plaisir solitaire à une expérience communautaire."C’est hyper-motivant, avance Ilana, kinésithérapeute âgée de 35 ans, qui s’est mise à la course pour accompagner une de ses amies après le Covid. Dans la grande majorité de mes courses, je me fiche du chrono. C’est à la fois devenu un élément clé de ma vie quotidienne, mais aussi un moment de plaisir, où je partage des choses avec les copains".
De toutes les courses, celle qui attise le plus les convoitises est sans conteste le marathon. "Si tu veux te mettre à courir, cours un kilomètre. Si tu veux changer ta vie, cours un marathon. Voilà le dicton qu’on se partage entre runners", raconte Ilana.
Un dicton qui illustre à lui seul la dimension quasi mystique qu’a acquise la distance mythique des 42,195 kilomètres. La "distance reine" pour une grande majorité des 8 millions de Français·es qui courent régulièrement. Pour preuve : en France, le nombre d’athlètes ayant bouclé un marathon a été multiplié quasiment par trois entre 2021 et 2022. En 2024, ils étaient 130 000 au finish du Marathon de Paris et, pendant les Jeux olympiques de Paris, 40 048 coureur·euses ont participé au Marathon pour tous, le premier marathon olympique réservé aux amateur·ices.
Une pratique aux origines élitistes
Pourtant, l'histoire de cette course mythique est d’abord celle d’une distinction sociale.
"Si la référence à l’Antiquité nous paraît aujourd’hui banale, elle est, à l’origine – quand Pierre de Coubertin, qui est un aristocrate, relance les Jeux olympiques –, un moyen de rappeler que le sport n’est pas pour tous, mais réservé à l’élite, explique Fabien Archambault, historien à l’université Paris I. Le marathon devient l’épreuve ultime, celle où l’on va au bout de soi-même et où, selon la légende, on meurt à la fin".
Rapidement, l’épreuve se mondialise, dépasse les frontières de l’Europe pour conquérir l’Amérique, puis la planète. Depuis le marathon de Boston en 1897 jusqu’à la vingtaine de marathons organisés au niveau international au début du siècle dernier, ce sont aujourd’hui des milliers de courses qui ont lieu partout dans le monde, allant de pair avec une profonde démocratisation de la pratique.
Le marathon pour s'émanciper
Dans les années 60, une nouvelle génération, celle du Baby-Boom, va chausser les baskets et s’emparer de la course à pied. "C’est la naissance d’un nouveau marathon", analyse Fabien Archambault. Celui d’une classe moyenne salariée, diplômée, qui cherche à échapper au carcan de la société traditionnelle, rejette l’assimilation du sport à l’entraînement militarisé d’antan et aspire à tirer profit d’une pratique plus libre, d’un sport exercé pour le plaisir et non plus pour la compétition.
Une démocratisation qui s’accompagne d’un autre combat : celui des femmes pour le droit de courir. Un droit qui leur était auparavant refusé pour des raisons supposées médicales. "Les médecins affirmaient que la course pourrait affaiblir leurs fonctions reproductrices, rappelle l’historien. On leur recommandait le basket et la gymnastique, mais le marathon leur était formellement déconseillé".
Aujourd’hui, la féminisation du peloton est massive : parmi tous les nouveaux athlètes des cinq dernières années, 70 % sont des femmes, selon la dernière étude annuelle de l’Union sport & cycle. Une révolution qui a profondément transformé la pratique et son économie, ainsi que l’émergence de courses non mixtes (La Parisienne, Women Race...).
En se démocratisant, le marathon est aussi devenu un business. Le dossard parisien oscille entre 150 et 200 euros. Celui de Berlin se joue au tirage au sort et les grandes courses mondiales sont aujourd’hui des événements aussi privés que sélectifs.
Un dicton qui illustre à lui seul la dimension quasi mystique qu’a acquise la distance mythique des 42,195 kilomètres. La "distance reine" pour une grande majorité des 8 millions de Français·es qui courent régulièrement. Pour preuve : en France, le nombre d’athlètes ayant bouclé un marathon a été multiplié quasiment par trois entre 2021 et 2022. En 2024, ils étaient 130 000 au finish du Marathon de Paris et, pendant les Jeux olympiques de Paris, 40 048 coureur·euses ont participé au Marathon pour tous, le premier marathon olympique réservé aux amateur·ices.
Une pratique aux origines élitistes
Pourtant, l'histoire de cette course mythique est d’abord celle d’une distinction sociale.
"Si la référence à l’Antiquité nous paraît aujourd’hui banale, elle est, à l’origine – quand Pierre de Coubertin, qui est un aristocrate, relance les Jeux olympiques –, un moyen de rappeler que le sport n’est pas pour tous, mais réservé à l’élite, explique Fabien Archambault, historien à l’université Paris I. Le marathon devient l’épreuve ultime, celle où l’on va au bout de soi-même et où, selon la légende, on meurt à la fin".
Rapidement, l’épreuve se mondialise, dépasse les frontières de l’Europe pour conquérir l’Amérique, puis la planète. Depuis le marathon de Boston en 1897 jusqu’à la vingtaine de marathons organisés au niveau international au début du siècle dernier, ce sont aujourd’hui des milliers de courses qui ont lieu partout dans le monde, allant de pair avec une profonde démocratisation de la pratique.
Le marathon pour s'émanciper
Dans les années 60, une nouvelle génération, celle du Baby-Boom, va chausser les baskets et s’emparer de la course à pied. "C’est la naissance d’un nouveau marathon", analyse Fabien Archambault. Celui d’une classe moyenne salariée, diplômée, qui cherche à échapper au carcan de la société traditionnelle, rejette l’assimilation du sport à l’entraînement militarisé d’antan et aspire à tirer profit d’une pratique plus libre, d’un sport exercé pour le plaisir et non plus pour la compétition.
Une démocratisation qui s’accompagne d’un autre combat : celui des femmes pour le droit de courir. Un droit qui leur était auparavant refusé pour des raisons supposées médicales. "Les médecins affirmaient que la course pourrait affaiblir leurs fonctions reproductrices, rappelle l’historien. On leur recommandait le basket et la gymnastique, mais le marathon leur était formellement déconseillé".
Aujourd’hui, la féminisation du peloton est massive : parmi tous les nouveaux athlètes des cinq dernières années, 70 % sont des femmes, selon la dernière étude annuelle de l’Union sport & cycle. Une révolution qui a profondément transformé la pratique et son économie, ainsi que l’émergence de courses non mixtes (La Parisienne, Women Race...).
En se démocratisant, le marathon est aussi devenu un business. Le dossard parisien oscille entre 150 et 200 euros. Celui de Berlin se joue au tirage au sort et les grandes courses mondiales sont aujourd’hui des événements aussi privés que sélectifs.
"C’est devenu presque impossible d’avoir un dossard, regrette Ilana. Il faut soit gagner à la loterie, soit réaliser des chronos très serrés". Un engouement qui a conduit des marques sans aucun rapport avec le sport à s’y intéresser de près : Schneider Electric est le nouveau nom du Marathon de Paris depuis 2013 et ING le nouveau partenaire officiel de celui de Luxembourg.
"Progressivement, le processus de sportivisation l’a emporté, impulsé par la dynamique économique de consommation qui récupère le phénomène. En gros, on est passé de Spyrídon Loúis (premier vainqueur du marathon des Jeux olympiques modernes, ndlr) à Nike", tance Olivier Bessy, coureur depuis plus de cinquante ans, sociologue du sport et professeur émérite des universités*.
Un moyen de prendre confiance en soi
Fini le jogging en coton et le t-shirt sorti du panier de linge sale. L’apprenti marathonien de 2024 est équipé. Cardiofréquencemètre pour checker son rythme cardiaque, tenue en fibre de bambou pour laisser passer l’air et, aux pieds, une paire de baskets à semelle alvéolée comme celle de la marque On, dont la première boutique s’est installée à Paris l’année dernière.
"Quand on est un coureur aujourd’hui, on ne peut pas ne pas faire le Marathon de Paris, on ne peut pas ne pas faire un selfie sur la ligne de départ en tenue, explique Olivier Bessy. Le rapport à la course raconte aujourd’hui une forme de production de son existence : on cherche à être performant aussi dans le loisir, et la course à pied est une activité facile pour ça. Il ne faut pas une technicité, mais il faut de l’entraînement".
Et quand ce ne sont pas des coachs spécialisé·es qui sont sollicité·es pour des préparations physiques hebdomadaires en vue d’une prochaine épreuve, ce sont les marques elles-mêmes qui mettent au point leur propre plan d’entraînement.
"J’ai suivi celui de Decathlon, raconte Alexandra, néo-marathonienne qui s’est lancée dans l’aventure via une compétition organisée au sein de son entreprise. Il fallait réaliser un circuit, je me suis motivée. J’ai gagné le challenge, je me suis senti pousser des ailes. J’ai fait mes premiers 20 kilomètres six mois plus tard, et mon premier 30 kilomètres le mois suivant. Et après, je me suis dit 'allez, c’est bon, peu importe le temps que je vais mettre, mais je vais faire le marathon Nice-Cannes...' Je m’étais fixé l’objectif de le boucler en 5 heures. J’ai mis 4 h 48".
Car la dimension commerciale n’a pas entamé l’attrait de l’épreuve, qui est devenue plus que sportive. Une "expérience". «"Sur le marathon, on ne court pas pour la santé, explique Virgile Caillet, directeur général de l’Union sport et cycle. C’est une forme de quête. Un moyen de retrouver confiance en soi, comme l’indiquent les enquêtes d’opinion, notamment chez les femmes et chez les jeunes. Parce qu’on arrive à se démontrer qu’on parvient à atteindre un objectif : courir 5 kilomètres d’abord, puis 10... Et ensuite, on se retrouve dans une dynamique presque addictive. Dont l’aboutissement est le marathon".
Des nouvelles pratiques toujours plus sensationnelles
Alors, quand courir un marathon n'a plus grand-chose d'exclusif, de nouveaux défis émergent.
"On est, depuis les années 90, dans la deuxième révolution de la course à pied, analyse Olivier Bessy. Après l’apparition du jogging et des grands marathons populaires des années 70-80, on assiste à une recherche du toujours plus : des défis plus longs, plus endurants, plus sensationnels".
Pour Alexandra, le prochain objectif, c’est "un triathlon M, puis un Half Ironman, et pourquoi pas l’Ironman, un jour" – l’un des plus longs triathlons, où s’enchaînent des épreuves de natation, cyclisme et course à pied.
Aujourd’hui, les nouvelles pratiques s’appellent le trail et l’ultra-trail – une course de plus de 80 kilomètres – en pleine nature, qui incarnent parfaitement cette nouvelle frontière. Toujours plus loin, plus fort, plus vite, l’extrême limite comme nouvel horizon à cocher dans sa "bucket list", dans une quête sans fin du dépassement de soi.
(*) Auteur de Courir. De 1968 à nos jours, éd. Cairn, février 2022.
Cet article a été oublié dans le magazine "Marie Claire", n°870, mars 2025
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