Nous l’avons toutes expérimenté vaguement à la fin d’un cours de yoga ou d’une séance de relaxation glanée sur les réseaux sociaux. Derrière son apparente simplicité, le bodyscan est un outil puissant qui mérite d’être mieux connu… et surtout mieux réalisé.

"C’est l’une des méditations de pleine conscience les plus pratiquées car elle est facile à mettre en place. Le scan corporel a pour but de stabiliser l’attention et de revenir aux sensations de chaque partie du corps lorsque l’agitation mentale nous distrait", explique Christiane Beaugé, sophrologue spécialisée en pleine conscience et auteure du manuel Mon Cahier 100 rituels de méditation (Ed. Solar).

Le scan corporel : bon pour le corps et l’esprit

Grâce aux nouveaux outils d’étude du cerveau, les scientifiques ont pu identifier de manière plus claire les bienfaits de ce type d’exercices.

"La méditation modifie autant le fonctionnement du cerveau que son anatomie", affirme la sophrologue dans son excellent ouvrage. Ainsi, le bodyscan, comme tout exercice méditatif - dont la sophrologie - atténue non seulement les symptômes du stress (physiques, émotionnels et psychiques, dont l’angoisse, l’anxiété, les ruminations et la dépression) mais aussi les douleurs chroniques.

Pratiqué régulièrement, il prévient et réduit les troubles cardio-vasculaires et de l’hypertension et renforce le système immunitaire. Il permet aussi de développer une attitude de non-violence, très utile en cas de tension ou de conflit relationnel. Le scan corporel augmente par ailleurs les fonctions cognitives et les sentiments positifs (joie, curiosité, bienveillance, empathie), envers soi et les autres. 

Se recentrer et remettre les choses à leur place

"La vertu du Bodyscan est de se recentrer et de remettre les choses à leur place. Ses effets s’installent jour après jour et nous confortent dans cette nouvelle vision de nous-mêmes avec douceur, sans chercher de but à atteindre", précise Laurence Bibas (@laurencebibas) dans le Manuel de mindfulness (Ed. Eyrolles).

"Ce n’est pas une nouveauté, seulement une capacité qui était en nous, comme un trésor enfoui et qui émerge à notre conscience avec simplicité", poursuit-elle.

Selon la pionnière de la Mindfulness, on peut mettre en œuvre cette pratique de pleine conscience de façon formelle, dans un endroit calme et en mode méditatif, ou de façon informelle et pour quelques minutes, allongée sur un canapé lors d’un moment de détente. 

Choisir le moment et sacraliser la pratique

"Bien que nous nous tenions en position allongée, le Bodyscan ne s’apparente pas à un exercice de relaxation ou de détente, car il s’agit d’une pratique d’éveil à nous-mêmes", nuance l'enseignante certifiée MBSR. "Au début, il peut arriver que nous nous endormions, aussi choisirons-nous plutôt, pour pratiquer les exercices, un autre moment que celui du coucher".

Quand nous sentons que la détente prend le pas sur la vigilance pendant la pratique, nous pouvons ouvrir les yeux et plier les jambes pour retrouver la tonicité de notre posture. Et de même, en cas de mal au dos, nous pouvons replier nos jambes ou, en cas d’autres douleurs, ajuster la posture. Bien sûr, il faudra veiller à ne pas être dérangés pour pouvoir profiter pleinement des bienfaits de l’exercice.

Le scan corporel peut se diviser en cinq étapes. Primo, on s’allonge et on ressent les différentes parties du corps, l’une après l’autre, de manière méticuleuse. Segundo, on porte notre attention délibérément sur le moment présent, sans jugement de valeur. Ensuite, il est essentiel de se féliciter de reconnaître les moments de distraction (pensées, sensation, émotions...). L’étape 4 invite alors à revenir intentionnellement et avec douceur à la partie du corps indiquée. Enfin, on maintiendra notre présence du mieux que nous pourrons dans les parties du corps où l’on a ancré notre attention.

Au fil du processus, des obstacles à la pleine conscience surgissent invariablement. Ses "à coups" constituent en réalité des opportunités de quitter le mode "pilote automatique".

Quitter le pilote automatique

C’est le mode de fonctionnement qui nous amène à faire des choses sans être présents dans nos actes. Laurence Bibas cite l’exemple de la conduite automobile : "nous montons dans notre voiture puis nous en sortons sans avoir pris conscience d’avoir parcouru une distance, car pendant tout le trajet nous étions absorbés par des pensées...".

Le pilote automatique découle de nos habitudes, de nos apprentissages, certes utiles et nécessaires, mais qui risquent de nous aiguiller vers l’engrenage d’un "mode par défaut". 

En bref, nous sommes souvent inconscients de ce qui se passe vraiment en nous. Notre corps est là mais notre esprit est ailleurs quand nous fonctionnons en pilote automatique. La pratique du Bodyscan nous enseigne à reconnaître ce mode et à basculer dans la pleine conscience. Cette dernière est un mode d’attention qui fait partie intégrante de notre système mental, mais que nous n’activons pas de manière suffisante.

Des obstacles à accueillir pour mieux les contourner

L’objectif du Bodyscan est de rassembler le corps et l’esprit, en nous amenant à être conscients des sensations de chaque partie de notre corps, puis de l’ensemble de notre corps à la fin de la pratique. C’est toute la prise de conscience de ce qui entoure le balayage corporel qui est importante !

Par exemple, il est crucial d’observer ce que l’on a ressenti lors des premiers scans corporels. On peut même décrire par écrit ce qui s’est passé pour nous. Je ne ressens rien. C’est difficile de ne pas m’endormir. J’ai du mal à passer du mode visualisation (ou représentation mentale) au mode sensations. Ce n’était pas agréable mais j’ai réussi à le faire et maintenant je me sens détendue.

"Cet exercice demande un temps d’ajustement, mais nous devrions ne pas nous en inquiéter et continuer à pratiquer", conseille l'enseignante certifiée MBSR. "Petit à petit, nous sentons certaines parties du corps, il y a des déclics entre l’idée et la sensation elle-même, comme la respiration dans la poitrine, les narines, l’abdomen ; c’est concret, ça bouge !".  

Négocier avec l’endormissement, accueillir l'inconfort

Il est fort possible que la fatigue accumulée dans notre journée affleure dans notre session... "S’endormir et, de temps en temps, se réveiller peut faire partie de la familiarisation avec la pratique du Bodyscan. Si nous parvenons à observer la façon dont cette fatigue s’invite, nous trouverons le moyen de rester éveillés", considère Laurence Bibas.

Peuvent aussi survenir des sensations d’inconfort ou d’anxiété en lien avec la respiration. "Il faut alors procéder avec douceur en remettant chaque chose à sa place : d’un côté la peur qui fait partie de notre expérience, et de l’autre les sensations de la respiration dans l’abdomen, la poitrine, etc.", suggère l’experte.

Certains apprentissages antérieurs (relaxation, sophrologie, méditation, yoga), ressemblant au Bodyscan peuvent gêner l’expérience dans un premier temps, puis cela disparaît. Alors que nous pensions pouvoir nous détendre, "faire le vide" ou  "trouver la paix", nous sommes surpris de découvrir que l’apprentissage de la pleine conscience n’est pas toujours agréable.

Trop de pensées, de difficulté à se concentrer, de fatigue, d’ennui ou de douleurs émergent... "C’est ainsi, nous savons bien que tout n’est pas rose et qu’il y a de la souffrance et du stress en nous ! Alors puisque (tout) ce matériau comparable à un terreau est incontournable, cultivons-le", affirme Laurence Bibas.

Accepter de laisser émerger ce qui est en nous

Les obstacles sont une opportunité d’aller au-delà de nos habitudes, de nous donner une chance de dépasser certaines limites. Même si cela nous arrive de nous endormir pendant la pratique, nous devons donc tenter de rester éveillés, connectés à nos sensations, pour réaliser que nous pouvons être en pleine conscience quels que soient la posture, le lieu, la situation... Et donc de donner une chance au Bodyscan tel qu’il est (allongé et immobile). Cela peut sembler difficile au début car nos habitudes ont la vie dure !

Chaque personne peut éprouver des sensations différentes après quelques séances. Energie, fraîcheur, endormissement, ennui, colère... Toute envie ou sensation qui est en nous à ce moment-là, en somme ! Les premières pratiques de Bodyscan peuvent sembler longues ; on peut se sentir perdue ou agacée face à ce temps difficile à quantifier. Patience !

"Pour la plupart d’entre nous, à la fin de la première semaine de pratique, le Bodyscan semble plus facile à réaliser", rassure Laurence Bibas.

Astuce pour traverser les premiers remous ? Revenir toujours à l’observation, tout simplement, de notre réaction émotionnelle et de notre discours intérieur face aux contrariétés. Petit à petit, ce bavardage mental aura moins de raisons d’être car il n’y a rien à analyser, juste à sentir.

Pour Laurence Bibas, c’est même plutôt bon signe car en ressentant les parties du corps nous nous reconnectons avec ce qui est présent en nous. Même si c’est surprenant ou désagréable sur le moment, la douleur, au même titre qu’une autre sensation, est une information précieuse : elle est là en ce moment et c’est plutôt une bonne nouvelle de le savoir.

"Mieux vaut être en contact avec ce qui est déjà là plutôt que d’être dans le déni. L’invitation de la pratique, c’est d’y aller petit à petit, avec douceur pour entretenir la relation la plus douce possible avec ces difficultés plutôt que de les combattre et de les repousser", souligne-t-elle.

Faire le tri entre les pensées et les sensations

Il est aussi essentiel de conscientiser de ce qui surgit. Quand ce sont des pensées, on peut se demander pourquoi nous ressentons le besoin d’avoir une réponse ou d’analyser. Notre intention est juste d’être présent avec les sensations dans chaque partie du corps, guidée éventuellement par des pistes audio, mais non d’accompagner le mouvement, d’anticiper la détente ou d’accompagner le processus de relâchement des tensions éventuelles.

"Nous ne cherchons pas à intervenir pour que notre corps se détende mieux et plus vite car alors nous retomberions dans le processus habituel qui veut que 'ça' aille mieux et que 'tout' soit détendu", prévient Laurence Bibas.

Les pensées en embuscade

Avec le Bodyscan, nous allons juste ressentir une "sensation ou absence de sensation" et, quand nous nous en rendons compte, considérer que cette envie d’intervenir est une forme de distraction sous la forme d’une pensée ou d’une émotion...

"Par exemple, si nous observons une douleur quand nous en sommes au mollet gauche et que la pratique indique de passer à la cuisse, on peut se dire : 'Je ne peux pas laisser mon mollet comme ça, je dois faire quelque chose...' C’est une pensée", relève Laurence Bibas.

Quand nous le réalisons, continuons juste avec les pistes audio et peut-être qu’arrivés à la hanche, nous sentirons que cette douleur a complètement disparu, sans que nous ayons eu besoin de "faire quelque chose". 

Simplement continuer à porter notre attention sur le corps, sans projet, nous aide à nous défaire de ces processus d’ajustements inconscients, d’une forme de vigilance permanente. La détente ne doit pas être une attente mais un effet secondaire que nous n’avons pas cherché. En apparence, nous ne faisons rien mais en réalité nous sommes très actifs en portant notre attention avec bienveillance. 

"Réussir" sa pratique

"Les pensées sont des phénomènes mentaux qui, sans cesse, vont et viennent... Vous ne pouvez ni les contrôler ni les repousser. Elles apparaissent sans crier gare et sans que vous puissiez agir dessus", abonde Christiane Beaugé.

Elles perturbent votre attention. Vous pourriez avoir le sentiment désagréable de ne plus savoir comment faire taire ce flux incessant. La méditation, comme le bodyscan, aident à fixer votre attention sur vos ressentis corporels lorsque ces pensées vous assaillent.

On voit peu à peu apparaître la manière dont la plupart d’entre nous fonctionnent… et une certaine addiction aux commentaires mentaux. Soit tout ce que nous nous disons quand "ça marche" ou quand "ça ne marche pas", les étiquettes que nous posons sur les situations de doute : "c’est OK ou pas ?", etc.

Notre esprit est en permanence occupé par des évaluations, des comparaisons, des questions sans réponses. "Laissons ces questions en suspens et observons comment la réponse viendra d’elle-même en continuant juste à pratiquer la présence attentive. Il n’y a pas de réponse toute faite mais celle de chacun", constate la sophrologue. Et c’est par le corps qu’elle jaillit.