Vous êtes-vous déjà demandé comment votre bague en or avait été fabriquée ? "Pour se représenter une mine industrielle, il faut imaginer un énorme trou au milieu de la forêt amazonienne, avec des collines de boues polluées au cyanure. C’est très éloigné des publicités pour bijoux où l’on voit une femme dans la natur", ironise Marine Calmet, juriste en droit de l’environnement et porte-parole du collectif Or de question opposé à l’industrie minière en Guyane.

"En Guyane par exemple, l’industrie minière est extrêmement polluante pour la nature et les humains. Il y a des rejets de mercure dans les écosystèmes, ce qui provoque des conséquences dramatiques pour les peuples autochtones, notamment chez les enfants, qui vivent à côté des fleuves. Car en plus des mines industrielles, il y a les mines artisanales et l’orpaillage illégal", poursuit l’activiste.

Certes, l’extraction de l’or ne sert pas seulement à fabriquer des bijoux, mais selon le World Gold Council, plus de 50% de la demande mondiale en or émane de la joaillerie.

Et cette demande constante n’est pas prête de s’arrêter, notamment parce que les cours mondiaux de l’or encouragent l’extraction, et avec elle la multiplication de la déforestation, de l’utilisation du cyanure et de l’orpaillage illégal.

les consommations annuelles d’électricité et en énergies fossiles d’une mine "moyenne" d’or correspondraient à celle de 31 000 foyers français pendant un an, et à celle de 3 000 voitures particulières françaises pendant un an.

Aurore Stéphant, ingénieure géologue chez SystExt (Systèmes extractifs et Environnements) spécialiste de l'extraction minière, rappelle dans une vidéo que "depuis le début de l’humanité, on aurait produit 205 000 tonnes d’or dans le monde, et extrait les deux tiers de cet or depuis 1950", générant ainsi plus de 200 milliards de déchets miniers et provoquant le rejet de plus de 15 millions de tonnes de cyanure dans la nature.

À cela s’ajoute la consommation énergétique importante des mines, participant ainsi au réchauffement climatique. Selon l’association SystExt : "les consommations annuelles d’électricité et en énergies fossiles d’une mine "moyenne" d’or correspondraient à celle de 31 000 foyers français pendant un an, et à celle de 3 000 voitures particulières françaises pendant un an".

Alors pour faire face à cette pollution gigantesque - sans parler des accidents et des conditions de travail difficiles pour les miniers - des initiatives se mettent en place.

En joaillerie, le label Fairmined milite pour l'utilisation d'un or responsable

Ce label de certification, développé par l’Alliance pour une mine responsable (ARM), est l’un des plus exigeants.

"Ce label a 3 volets, d’abord la légalisation et la formation pour mettre en place des conditions de sécurité suffisantes dans les mines. Ensuite, il y a la partie sociale avec l’égalité salariale et les bonnes conditions de travail, ce qui permet d’encourager le commerce équitable. Et enfin, l’aspect environnemental, avec la gestion et l’élimination du mercure, la protection de la biodiversité et l’interdiction de la déforestation", détaille Dorothée Contour, fondatrice de la marque JEM.

Le label Fairmined permet donc d’encadrer les mines autonomes, artisanales et à petite échelle, qui représentent "environ 15% de l’or extrait, concernent 90% des travailleurs, soit 20 millions de mineurs, et font vivre près de 60 millions de personnes", comme le rappelle Patrick Schein, membre du conseil d'administration de l’ARM.

"Nous avons opté pour le label Fairmined afin d’améliorer les conditions sur le terrain, car tant que l’or sera une valeur refuge, les mines continueront d’exister", juge Dorothée Contour.

Les bijoux en or recyclé, nouvelle solution durable

Le label Fairmined n’est pas la seule solution envisagée par les acteurs du secteur. "Nous avons déjà extrait la majorité de l’or sur terre, nous en avons suffisamment pour couvrir nos besoins sur les prochaines années, c’est une ressource finie, donc il faut réfléchir à d’autres options", estime Hermine Sacau de la marque Douze Paris, et qui utilise de l’or recyclé pour ses bijoux.

Mais alors c'est quoi l'or recyclé ? "Il s’agit d’anciens bijoux, de lingots de banque, de produits dentaires et électroniques", énumère la créatrice.

À noter que l’or n’est jamais jeté (y compris les déchets lors de la fabrication d’un bijou) et a toujours été recyclé. Cependant, comme s’accordent à dire toutes les parties prenantes, l’or recyclé n’est pas traçable, et à partir du moment où l’or est transformé ou fondu, il part dans la filière du recyclage.

De toute façon la vraie joaillerie éthique c’est le bijou qui dort chez toi et que tu upcycles et modernises.

Si une norme existe, le Chain-of-Custody (CoC), lancée par le Responsible Jewellery Council (RJC) et qui représente "99% de l’or recyclé sur le marché" selon Patrick Schein, elle fait débat.

Car le RJC, une organisation a` but non lucratif dont la mission est de promouvoir des pratiques e´thiques, sociales et environnementales responsables, a été créé par les plus gros acteurs du secteur de la joaillerie eux-mêmes, et se base sur une liste déclarative de bonnes pratiques.

L’association s’est également retrouvée dans la tourmente à cause de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, en raison des rapports ambigus entretenus avec le géant minier russe Alrosa - qui, sous la pression, a suspendu son adhésion du RJC en avril 2022 - et a vu certains de ses membres quitter le navire.

"De toute façon la vraie joaillerie éthique c’est le bijou qui dort chez toi et que tu upcycles et modernises", considère Hermine Sacau.

Les géants de la joaillerie en action

En octobre 2021, les groupes Richemont et Kering ont lancé l'Initiative Watch & Jewellery 2030. Cette nouvelle organisation "s’engage à atteindre un ensemble d'objectifs clés de durabilité dans trois domaines : renforcer la résilience climatique en réduisant leurs émissions de CO2, préserver les ressources et favoriser l’inclusion".

Une initiative rappelant le Fashion Pact lancé en 2019 à l’initiative de Kering pour une mode plus responsable. "Si on parle de luxe et d’excellence, il faut être transparent, c’est la base de l’éthique", avertit Patrick Schein.