Nouveau départ. Le vendredi 7 mars, alors que défilaient dans le même temps Givenchy et Issey Miyake, le créateur Benjamin Benmoyal dévoilait sa collection automne-hiver 2025-2026 par le biais d'une présentation. Le cadre qu'il a jugé approprié pour conter sa nouvelle trajectoire à ses fidèles et à celleux qui le découvrent. Il faut dire qu'il s'en est passé des choses depuis sa dernière collection. Celui qui était absent du calendrier de la semaine de la mode parisienne en septembre 2024 a actionné une levée de fonds et entrepris un complet rebranding ces derniers mois.

Fini les ponchos et les vêtements tissés à partir de vieilles bandes de cassettes VHS. Son savoir-faire en tissage lui permet aujourd'hui de dessiner des silhouettes grandmacore qui ont su trouver leur cible. Entretien avec Benjamin Benmoyal.

Marie Claire : Quoi de neuf chez Benmoyal ?
Benjamin Benmoyal : Nous sommes revenus dans le calendrier de la Paris Fashion Week après avoir choisi de sauter une saison. La raison ? Nous voulions nous concentrer sur la levée de fonds qui a été lancé au mois d'août. J'ai réalisé qu'elle me prenait énormément de temps et d'énergie. Il m'était impossible de présenter une belle collection et de gérer la campagne de financement en même temps.

Ce break, qui n'en était pas réellement un, nous était nécessaire pour repenser absolument tout l'ADN de la marque, lui trouver une nouvelle esthétique et une cohérence. Parce que nous avons désormais des investisseur-euse-s qui demandent des résultats ! Or, s'il y a une chose dont je me suis rendu compte, c'est que ce que je faisais avant pouvait être esthétiquement beau d'un point de vue image, mais que cela ne garantissait pas que les gens aient envie d'acheter ou de porter mes créations.

Avec le rebranding, nous avons voulu faire en sorte que les vêtements soient portables. Nous avons aussi baissé les coûts pour cibler une clientèle plus large. Cette esthétique est née d'une réflexion que j'ai eue avec ma styliste, Gabriella Norberg. Le nouveau vestiaire Benmoyal s'inspire de la façon dont les filles de mon entourage et celles plus jeunes que moi s'habillent ou veulent s'habiller. En général, elles vont chiner des pièces de grands-mères en magasins vintage pour les intégrer dans leur dressing. C'est le parti pris que nous avons choisi : reprendre l'allure années 50 pour créer des tissus et les mixer avec des items plus urbains, plus contemporains, comme des sweatpants ou des jeans. Nous avons aussi changé le logo en supprimant mon prénom pour que le nom de la marque soit plus court.

C'est la seule raison pour laquelle vous avez fait ce choix ?
Au départ, je voulais complètement changer le nom de la marque, parce que je trouvais qu'il était trop connoté juif marocain. Non pas que j'aie honte de mes origines, d'autant qu'en réalité, il n'y a peut-être qu'à Paris ou en France que des personnes pourraient les déduire de mon patronyme. Seulement, je trouvais mon nom complet peu esthétique. En plus, c'est compliqué de créer un logo avec deux mots, car, à moins d'avoir un sigle à initiales comme le cassandre d'Yves Saint Laurent, le résultat est souvent bizarre. En l'occurrence, une broderie "Benjamin Benmoyal" aurait été trop longue.

J'ai choisi de garder mon nom de famille, car malgré le rebranding, nous conservons les fondamentaux de ma marque que sont le craft et le tissage. La collection automne-hiver 2025-2026 se compose de pièces mémérisantes comme des robes en crochet inspirées des nappes qui recouvrent habituellement les tables à manger des ancien-ne-s. Nous avons aussi des pièces plus street, comme une polaire qui est d'ailleurs l'un des best-sellers de la saison.

Toujours dans cette collection, nous avons lancé une collaboration avec Schott, qui s'inscrit dans cette idée de reprendre des pièces urbaines et iconiques auxquelles nous ajoutons notre patte à nous, le craft. Nous avons ainsi des varsity jackets Benmoyal x Schott sur lesquelles, au lieu de la classique laine, nous avons mis notre tweed.

Tout a été revu au cours de ce rebranding, du logo à l'esthétique des vêtements. Quelle est la première chose que vous avez vraiment repensée ?
Le narratif. Nous étions obligé-e-s de commencer par là pour construire quelque chose de nouveau. Nous nous sommes donc basé-e-s sur une question simple : comment expliquer la marque en deux phrases et à travers quelque chose de visuel qui parle au plus grand nombre de personnes ?

Vous lanciez votre marque en 2020 et votre travail sur le recyclage de bandes VHS recyclées vous a permis d'être identifié par la presse mode. N'est-ce pas un petit déchirement, en quelque sorte, de vous en séparer en raison du rebranding ?
Oui et non. Pour la simple raison que nous faisons toujours du tissage à partir de deakstock. Tous nos fils sont issus de stocks dormants, y compris le crochet que nous introduisons pour la première fois cette saison. Et puis notre base, ce ne sont pas les cassettes VHS, mais l'artisanat. L'influence de mes origines marocaines est également plus discrète, désormais, mais elle se lit dans le styling et dans les chéchias, ces bonnets berbères. 

Vous disiez avoir également modifié la gamme de prix ?
Oui. C'est cette partie qui a été la plus compliquée. En fait, je réalise que les marques à succès sont celles qui sont accessibles. 

Quelles sont vos nouvelles ambitions ?
Garder cette esthétique et l'approfondir. Créer des nouvelles pièces, des nouvelles typologies de produits comme le denim et se focaliser sur le jersey. Bref, des vêtements qui ne sont pas coûteux à développer, qui se vendent bien et avec une bonne marge. Peut-être lancer la maroquinerie dans un second temps, mais je ne ferai pas un sac pour faire un sac. Il faudrait que j'aie vraiment une idée de modèle.