Natation, tennis, équitation, ski, Formule 1, boxe, football, cheerleading… Barbie est très sportive. Depuis sa création en 1959, la célèbre poupée Mattel a pratiqué plus de 50 disciplines et a déjà participé aux Jeux olympiques (1976) et à une Coupe du monde de football (1999). 

Plus récemment, elle s’est même mise à pratiquer les cinq nouveaux sports intégrés aux JO de Tokyo en 2021 (escalade, karaté, baseball/softball, surf et skateboard). Barbie sport semble inarrêtable. 

En 65 ans, Barbie a été le miroir des diktats qui pèsent sur les femmes dans le sport mais aussi de leurs combats et de leurs victoires. 

Pour célébrer son anniversaire, Mattel vient d'ailleurs de dévoiler neuf nouvelles poupées à l'effigie de grandes championnes : Estelle Mossely (Boxe, France), Venus Williams (Tennis, États-Unis), Rebecca Andrade (Gymnastique, Brésil), Christine Sinclair (Football, Canada), Mary Fowler (Football, Australie), Alexa Moreno (Gymnastique, Mexique), Susana Rodriguez (Paratriathlon, Espagne), Federica Pellegrini (Natation, Italie), Ewa Swoboda (Sprint, Pologne).


*Sur l'image de Une, de gauche à droite : Barbie Sport (Maillot de bain) 1962 / Barbie Ski Olympique (1975) / Barbie Pilote de course (2010) / Barbie Kristina Vogel (2019) / Barbie Euro Group - Amandine Henry et Dina Asher-Smith (2020) / Barbie Naomi Osaka (2019) - DR

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Barbie, une figure émancipatrice et sportive dès le départ

Mattel

Dès son lancement à la foire internationale du jouet de New York, le 9 mars 1959, la poupée Barbie crée une petite révolution. Elle représente une femme adulte, à la plastique fantasmée et irréelle : elle a la peau blanche, des seins bombés et dessinés, une taille minuscule, une chevelure blonde et lisse et ne quitte jamais ses talons hauts. 

Contrairement aux apparences, Barbie se veut une femme inspirante, voire émancipatrice. Loin des jouets concurrents de l’époque - tels que les poupons à langer - renvoyant les femmes au rôle assigné des mères au foyer. “L'idée que je me faisais de Barbie était qu'à travers la poupée, la petite fille pouvait devenir qui elle voulait. Barbie a toujours incarné une femme qui a le choix”, avait alors expliqué Ruth Handler, sa créatrice. 

Rapidement, Barbie se met au sport, mais par n’importe lesquels. En 1961, Mattel lance la Barbie ballerine, vêtue d’un tutu, les cheveux bruns noués sous une couronne et le visage fardé. L’année suivante, on retrouve la célèbre poupée sur un court de tennis face à Ken, dans une robe courte immaculée et plissée, à l’image des codes vestimentaires de la discipline de l’époque. 

Qu'elle soit à la ville astronaute, designeuse ou chirurgienne, Barbie passe son temps libre à s’adonner au sport : elle est branchée aussi bien équitation, ski ou patinage avec tous les accessoires.

*Barbie Tennis (1962) 

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Des premières disciplines très genrées qui matérialisent toutefois la pratique du sport par les femmes -

Mattel

“Les premières Barbie pratiquent des sports connotés féminins : le tennis, la danse, l'équitation ou encore le ski, qui se développe dans les années 60, avec les sœurs Goitschel, championnes olympiques. La poupée représente un symbole fort pour l’époque, elle matérialise la pratique du sport par les femmes”, observe Marion Philippe, chercheuse et maîtresse de conférence en Staps à l’université Gustave Eiffel. 

En 1976, Barbie participe ainsi aux JO (Montréal) : un événement très populaire depuis qu’il est télévisé dans les années 60. La poupée de 29 cm porte alors la flamme et remporte même la médaille d’or dans toutes les disciplines ouvertes aux femmes. Sa tenue de sport pour faire tous ces exploits : un body cintré, marquant une sexualisation exacerbée.

Mais cette hypersexualisation n’est pas si loin des tenues portées par les athlètes féminines  de l’époque qui courent, jouent au basket-ball ou rament (aviron) en mini-short. 

Si les droits des femmes avancent dans les années 70, le sport reste un domaine où les mœurs avancent très lentement, et ce malgré des lois progressistes comme le Title IX aux Etats-Unis (une loi d’avant-garde qui protège les Américains contre la discrimination de genre et a permis notamment le développement de compétitions sportives féminines dans les universités américaines, ndlr). 

* Barbie aerobic (1984)  

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Les années 90 et le développement du sport féminin par le prisme du père de famille

Mattel

Dans les années 80-90, Mattel suit cette émancipation des femmes, notamment dans le milieu du sport. Toutefois, les projections parentales genrées ont encore beaucoup de poids. On retrouve alors des Barbies prof d’aérobic ou danseuse TV qui collent aux émissions appréciées des mères, et des Barbies à l’effigie des équipes de baseball, basket ou des écuries de Formule 1 qui plaisent au paternel. 

“La pratique sportive des femmes a toujours été sous-tendue à l’acceptation du chef de famille, détaille Marion Philippe. Dans les foyers américains, l’enjeu est commercial, le père va offrir la barbie de son sport préféré à sa fille. Cela crée un rapprochement familial, tout en cautionnant le développement d’une pratique dite masculine pour les jeunes filles.”  

Il faudra attendre les années 2000 pour voir des Barbie dans les sports comme le foot, en partenariat avec la Fifa pour la Coupe du Monde de football féminin en 1999 ou, plus de vingt ans plus tard, à l’effigie de la footballeuse française Amandine Henry en 2020. 

* Barbie baseball (1998)

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Des roles modeles pour les petites filles mais des stéréotypes de genre encore ancrés

Mattel + DR

“Une Barbie footballeuse, ça m'aurait évité d'avoir des réflexions disant que le foot c'est pas pour les filles. J'en aurais pris onze et j'aurais fait mon équipe !”, raconte Amandine Henry dans le documentaire Et Dieu créa Barbie (réalisé par Julie Delettre et Gabriel Garcia). Mais elle souligne toutefois que le physique de sa poupée est plus “élancé” que le sien. 

Si le physique des poupées a bien évidemment évolué depuis sa création (des silhouettes parfois moins longilignes, des poupées dont les mensurations sont calquées sur celles des sportives dont elles s’inspirent, mais aussi une meilleure représentation de la diversité de couleurs de peau et de cheveux…), il reste encore des marqueurs stéréotypés très ancrés :  le maquillage, la longue chevelure et les vêtements courts et cintrés. 

Ces stéréotypes sont toujours visibles dans le milieu du sport aujourd’hui, où les tenues et la sexualisation des sportives sont de plus en plus questionnées.

En 2014, Barbie avait même posé en maillot de bain en Une du “swimsuit issue” de Sport Illustraded pour les 50 ans du magazine américain.   

“Jouer sur les attributs de féminité est un moyen de légitimer la pratique sportive en la rendant désirable. Ces stéréotypes sont toujours visibles dans le milieu du sport aujourd’hui, où les tenues et la sexualisation des sportives sont de plus en plus questionnées”, analyse Marion Philippe.

* Barbie soccer (1999) + Barbie Amandine Henry (2020)

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Des avancées mais encore beaucoup de combats à mener

DR

“Il y a des avancées, mais on garde quand même la charte Barbie, les corps qui ressemblent aux mannequins des années 2000”, analysait Mélie Fraysse, sociologue du genre, dans un article de l’Équipe, dédié à la poupée. Pour elle, ces avancées “suivent les modèles de la société mais ne sont pas novateurs. [...] Le football féminin est quand même très répandu. Barbie ne fait pas de rugby, par exemple”.

Il reste évidemment encore des combats à mener mais, ces dernières années, la place des femmes dans le sport a nettement évolué, portée par des personnalités inspirantes. Et Barbie, comme miroir de son époque, le rend la part belle : Billie Jean King, Naomi Osaka, Gabby Douglas ou Kim Clijsters avec sa fille ont toutes une poupée à leur effigie. 

En 2023, une collection arbitre, entraîneuse, manager et journaliste de sport (en petite jupe) est sortie. “Pourtant ce sont des domaines où les femmes sont peu nombreuses, c’est là qu’on retrouve le rôle inspirant revendiqué par Barbie, précise Marion Philippe. Elle ouvre le champ des possibles.” 

*Barbies Kristina Vogel (2019), Naomi Osaka (2019) etKim Clijsters avec sa fille (2019).

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