Pour changer de regard, mieux soutenir nos proches, "Marie Claire", qui dédie son numéro spécial du 8 mars à la santé mentale et à celles qui brisent ce tabou, appelle à faire de ce sujet une grande cause nationale. Et a rédigé vingt propositions concrètes pour enfin prendre soin de la santé mentale de tou·tes.
Marie Claire : Que pensez-vous de notre campagnes 8 mars sur la santé mentale des femmes? Est-ce un sujet au cœur de votre politique?
Aurore Bergé : Il est salutaire de briser un tabou. Dans notre pays, dire que notre santé mentale est fragile reste stigmatisant. Or nous avons tous une santé mentale et parfois des aléas. Nous savons que les femmes qui portent une charge mentale plus importante, sont plus à risque de faire un burn-out à des moments de turbulences dans leur existence : à l’adolescence, quand on devient mère ou encore à la ménopause. La question de l’accès aux soins se pose. Les Maisons des femmes seront déployées dans chacun de nos départements et je souhaite leur donner une envergure plus grande encore, au-delà de la prise en charge sanitaire. Ce sont des lieux de relais mais aussi des pôles de ressources pour les professionnels qui les soignent et les associations qui les accompagnent.
Inégalité femmes-hommes face à la charge mentale
Cette proposition fait partie des vingt propositions concrètes de notre appel. Quelles sont les autres que vous soutenez ?
Déjà la première : "Enseigner dans les petites classes que la vie mentale est faite d’émotions. Expliquer que les affects, comme le corps, peuvent tomber malades. Créer un cours d’éducation psychique pour sensibiliser à la santé mentale dès l’école."
Je pense aux aidantes parce que la majorité des aidants sont des épouses, des mères, des filles, des sœurs.
Vous l'écrivez différemment mais cela relève de l’empathie : comment dès le plus jeune âge transmettre la culture du respect et de l’égalité à nos enfants ? On a malheureusement tous pris la mesure de ce qu’ils peuvent subir.
Et puis, il y a eu les annonces faites par le Premier ministre, Gabriel Attal, sur MonParcoursPsy lors de son discours de politique générale. Nous allons faciliter le recours à MonParcours Psy, notamment avec un accès direct aux professionnels.
Plusieurs de vos propositions se rejoignent autour de la charge supplémentaire des femmes. Je pense aux aidantes parce que la majorité des aidants sont des épouses, des mères, des filles, des sœurs qui accompagnent des personnes en situation de handicap ou confrontées à des difficultés liées à l'âge et à l'autonomie. Et là encore, nous avons besoin que les entreprises puissent accompagner ces moments de vie. Un effort est fait par beaucoup d’entre elles pour que les salariés se sentent légitimes à dire ce qui se passe dans leur intimité, ce qui affecte leur santé et leur vie professionnelle.
J’aimerais ajouter un mot sur le post-partum. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous avons voté à l'automne dernier, de nouvelles mesures pour sa meilleure prise en charge. C’était tabou il y a encore quelques années. Les sages-femmes et les gynécologues vous posent régulièrement des questions sur votre état mental pendant et après la grossesse. Je l'ai vécu pendant ma grossesse. L’idée est de renforcer le repérage de la dépression post-partum, faciliter l’accès à un suivi psychologique et améliorer le suivi médical.
Plusieurs tabous sur la santé des femmes à briser
Nous demandons à ce que la santé mentale soit déclarée grande cause nationale. Est-ce une bonne idée ?
Oui et je suis bien placée pour le savoir puisque je porte la grande cause des deux quinquennats, celle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Une grande cause c’est une priorité politique. On met tout en haut de l'agenda un enjeu qu'on estime prioritaire.
En 2024, année des Jeux olympiques et Paralympiques, on a choisi le sport. Faire de la santé mentale une grande cause est une décision du président de la République, c’est lui qui en décide. Vous aurez des soutiens au sein du gouvernement pour porter cette idée !
Quelles sont vos priorités en tant que ministre de l’Égalité entre les femmes hommes et de la Lutte contre les discriminations ?
Je pense qu’il faut continuer à briser un certain nombre de tabous. J'en vois plusieurs. Si on reste sur la question de la santé, on a commencé à briser le tabou sur l’endométriose et la précarité menstruelle.
Quand des femmes n'ont pas les moyens de se protéger, cela touche à leur dignité. Il y a aussi le tabou de la ménopause, un dérèglement hormonal majeur qui peut conduire à la dépression, à la mésestime de soi et avoir des implications dans la vie professionnelle. Nos priorités en matière de santé, c’est une meilleure prise en compte et un accompagnement sanitaire qui doivent être garantis aux femmes sur l’ensemble du territoire et tout au long de leur vie notamment aux moments clés.
Et la question de l'égalité économique n’est pas réglée : la première des violences qu'on inflige aux femmes est d’être moins payées que les hommes. On a progressé mais cela reste insuffisant. Des écarts salariaux et des représentations très stéréotypées subsistent dans certains métiers. Des secteurs entiers comme les métiers du numérique, de la cyberdéfense, de l'intelligence artificielle se privent ainsi d’un vivier.
Nous sommes en train de vivre un #MeToo français y compris d’ailleurs un #MeTooGarçons.
Et puis la question des violences parce qu'elles n'ont pas disparu de la société même si cette dernière se comporte heureusement différemment aujourd'hui. Je lisais récemment le livre d'une de vos consœurs, Désir Noir, sur l’affaire Cantat*. Notamment sur son traitement médiatique, à l’époque, qui avait inversé les rôles et les représentations : celui qui a tué, parce que oui c’est un meurtrier, était presque présenté comme la victime de l’histoire. Aujourd'hui, ce traitement médiatique serait impensable et heuresement !
Il existe une intolérance de plus en plus forte à la violence qu'elle soit physique ou sexuelle. Grâce à des femmes qui s'expriment comme Judith Godrèche, avant elle, Vanessa Springora et de grandes sportives qui l'ont fait progressivement, on arrive à briser l’omerta dans des secteurs où des hommes puissants et charismatiques écrasaient la capacité des femmes à parler. Nous sommes en train de vivre un #MeToo français y compris d’ailleurs un #MeTooGarçons. Un tabou encore fort dans notre société qui considère qu’un homme ne peut pas être défaillant, être celui qui subit la violence sexuelle. Je trouve ces hommes qui témoignent aujourd’hui particulièrement courageux.
*De Anne-Sophie Jahn. Éd. Flammarion
[À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, 8 femmes en couverture (comédiennes, écrivaines, chanteuses, sportives...) brisent le tabou de la santé mentale.
Découvrez nos huit autres entretiens - avec Marina Foïs, Amélie Nothomb, Louane, Louise Aubery, Ysaora Thibus, Isabelle Carré, Camélia Jordana, Zaho de Sagazan - ainsi que notre appel et nos propositions pour faire de la santé mentale une grande cause nationale.]
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