L’emprisonnement plutôt que la retraite. Un reportage édifiant au cœur des centres pénitenciers du pays publié sur le site de CNN le 18 janvier 2025 révèle que les personnes japonaises retraitées - 29,3% de la population japonaise est âgée de 65 ans et plus, selon un rapport gouvernemental publié en septembre 2024 -, et notamment les femmes, sont nombreuses à souhaiter finir leurs jours en prison, afin d'échapper à la solitude et à la précarité.

Une vie en prison plus confortable qu’à l’extérieur

Les journalistes Jessie Yeung, Hanako Montgomery et Junko Ogura se sont rendues à la prison pour femme de Tochigi, près de Tokyo en septembre 2024. Elles y ont rencontré une Japonaise de 81 ans, qui en est à son deuxième séjour derrière les barreaux - le premier ayant eu lieu lorsqu’elle avait une soixantaine d’années.

"Peut-être que cette vie est la plus stable pour moi", leur expliquait-elle. L'octogénaire interviewée est loin d’être la seule dans ce cas-là.

Yoko (nom d’emprunt utilisé pour préserver l’anonymat de la témoin), 51 ans, incarcérée pour la cinquième fois dans cet établissement, déplore une population de plus en plus vieillissante.

Plus surprenant encore, les journalistes ont pu échanger avec Takayoshi Shiranaga, l’un des gardiens de la prison de Tochigi. L’homme explique que certaines seraient prêtes à payer "20 000 ou 30 000 yens (130 à 190 dollars) par mois (si elles le peuvent) pour vivre ici pour toujours". Avant d’ajouter : "Il y a des gens qui viennent ici parce qu’il fait froid, ou parce qu’ils ont faim."

"À ce stade, ça ressemble plus à une maison de retraite qu’à une prison remplie de criminels condamnés", commente le gardien qui constate le nombre grandissant de détenues âgées.

Ça tourne !

Précarité financière et solitude

Sur place, les prisonnières ont accès à des soins réguliers et gratuits, des repas, et avant tout, à de la compagnie. Ce qui leur manque cruellement à l’extérieur, partage la femme de 81 ans. Elle confie que son fils de 43 ans avec qui elle vivait, lui disant régulièrement : "J’aimerais que tu t’en ailles".

Outre la solitude, c’est également la précarité financière dans laquelle elle se trouvait qui l’a poussée à voler de la nourriture, raison pour laquelle elle s’est fait incarcérer. "Si j’avais été financièrement stable et si j’avais eu un mode de vie confortable, je ne l’aurais certainement pas fait", concède-t-elle. Au moment de son arrestation, elle vivait avec une "très petite" pension de moins de 40 dollars tous les deux mois.

Démunie, elle avoue s’être plusieurs fois laissé aller à penser que"Ça ne sert à rien que je vive" ou encore, "je veux juste mourir". Lors de sa rencontre avec les trois journalistes de CNN, il ne lui restait plus qu’un mois a passé à Tochigi avant d’être libérée. Elle leur confessait alors avoir "peur de la façon" dont son fils pourrait l’accueillir et la "percevoir" à sa sortie.

La réaction du gouvernement

Comme cette femme de 81 ans, en 2022 au Japon, plus de 80% des détenues âgées sont emprisonnées pour vol, selon les chiffres du gouvernement japonaisL’Organisation de coopération et de développement économiques rapporte que 20% des Japonais de plus de 65 ans vivent dans la pauvreté.

Un chiffre qui interpelle : pour les 38 autres pays membres de l’organisation, la moyenne est de 14,2 %.

Selon CNN, en 2021, le ministère des Affaires sociales japonais avait déclaré tout faire pour soutenir au mieux les personnes âgées vulnérables et mettre en place un soutien communautaire. Le gouvernement serait d’ailleurs en train d’examiner des propositions visant à rendre les aides au logement accessible au plus grand nombre, précise la chaîne. Des efforts qui, il dit espérer, devraient permettre d’endiguer et de réduire la surpopulation âgée dans les établissements carcéraux.