La biathlète Marie-Laure Brunet a mis fin à sa carrière à 25 ans, quelques mois après les Jeux Olympiques de Sotchi 2014, où elle était victime d’un malaise vagal pendant l'épreuve de relais. Une décision qui étonne à l'époque.

La jeune sportive, alors à l’apogée de sa carrière, brille avec l'équipe de France (deux médailles olympiques à Vancouver, neuf médailles mondiales, ndlr). Rien ne présage une retraite précoce. "Les premiers signaux de surentraînement sont apparus trois ans plus tôt. Je serrais la vis en permanence, je compensais la fatigue physique par le mental et je n’étais pas assez suivi à ce moment-là, se remémore-t-elle. Le jour du relais, je suis partie en me disant "ça va aller" alors que je n’étais pas en forme. Je me mentais à moi-même."

Marie-Laure Brunet s'effondre dans la deuxième boucle à skis. Elle est évacuée sur une civière et l’équipe de France est contrainte d’abandonner. Ce sera sa dernière course. 

À la suite de cet épisode douloureux, l’athlète “tire la sonnette d’alarme”. Elle décide de mettre fin à sa saison pour suivre une thérapie. Là, les mots s'enchaînent : burn-out, surentraînement, fatigue chronique latente depuis plusieurs années. 

L’accompagnement mental comme échappatoire

"Le mental n’arrivait plus à compenser, mon corps a dit stop. Un fusible a pété et tout le disjoncteur avec, explique-t-elle, dix ans après son dernier tour de piste. Au début, je n’avais pas conscience de ce qui m’arrivait, ce n’est qu’après avoir pris du recul, que j’ai compris que c’était un burn-out."

Après une période de reconstruction, elle décide de partir de son expérience personnelle pour entamer une reconversion et devenir accompagnatrice mentale.

Depuis quelques années, elle a troqué les skis pour le stylo et installé un bureau non loin des montagnes, afin de suivre des sportif.ves de haut niveau pendant leur carrière. Elle travaille avec plusieurs biathlètes, notamment Julia Simon, le club de rugby d’Oyonnax, mais aussi des athlètes en course pour les JO de Paris 2024 comme la cycliste Loana Lecomte et le rameur Florian Ludwig.

“J’ai fait des petites dépressions, je pleurais, j’avais peur de tout”

Si la préparation mentale est devenue un élément incontournable de la performance ces dernières années, plébiscitée par les athlètes eux-mêmes, les clubs et les fédérations, elle a longtemps été sous-estimée dans le sport français.

À l’image de Marie-Laure Brunet, la triathlète Emmie Charayron, a souffert d’un manque d’accompagnement sur le plan mental pendant sa carrière. "Dans les années 2010, la fédération avait fait appel à un préparateur mental. Mais on n’était pas habituées, on ne se confiait pas sur ce qu’on ressentait", se souvient la triathlète qui a participé aux JO de Londres 2012.

Retirée du circuit en 2018, elle suit actuellement une formation pour se spécialiser dans l’accompagnement en préparation mentale. Selon elle, plusieurs moments de sa carrière auraient pu être mieux abordés grâce à ça, comme le décès de son entraîneur dix mois avant les Jeux de Rio (elle déclarera forfait quelques jours avant à cause d’une blessure, ndlr).

Partager son expérience pour mieux accompagner les nouvelles générations

Mais aussi pour préparer l’après-carrière, souvent qualifiée de “petite mort” de l’athlète. "J’ai fait des petites dépressions, je pleurais, j’étouffais, j’avais peur de tout… J’avais déjà ressenti ce vide après les JO. Quand tu as mis toute ton énergie dans un événement, c’est très dur quand ça s’arrête, décrit la triple championne de France de triathlon. La principale chose que je changerais dans ma carrière, ce serait d’être mieux accompagnée sur le plan mental”, constate Emmie Charayron.

Quand on a connu des très hauts et des très bas en tant qu’athlète, forcément on comprend mieux ce qu’ils peuvent traverser.

L’histoire et le parcours de ces deux athlètes font d'elles des témoins privilégiés des difficultés rencontrées au haut niveau. "J’ai compris que je pouvais aider les autres à se révéler, à vivre mieux les choses, observe Marie-Laure Brunet. Quand on a connu des très hauts et des très bas en tant qu’athlète, forcément on comprend mieux ce qu’ils peuvent traverser."

Néanmoins, l’ancienne biathlète prend garde de ne pas "faire de transfert" (c'est-à-dire comme appliquer à ses patients ce qui a fonctionné dans sa carrière).

Elle écoute, questionne toutes les facettes de la personne pour trouver un équilibre qui mènera à la performance : "Mon métier, c’est de faire en sorte qu’ils soient autonomes et se connaissent mieux." L’objectif : les aider à mieux vivre leur carrière.

Des grands champions qui lèvent les tabous

Ces sportives se félicitent de l’évolution des mentalités au sujet de la préparation mentale, portées par les témoignages précieux d’athlètes comme Simone Biles, Michael Phelps ou plus récemment Gabriella Papadakis. "Aujourd’hui, l’aspect mental n’est plus la dernière ressource, il fait partie de la construction et de l’optimisation de la performance", observe Emmie Charayron.

Avant un événement majeur comme les JO de Paris, elles rappellent l’importance de la prise en charge de la santé mentale des athlètes, confrontés à une pression décuplée, émanant aussi bien de leurs proches que des réseaux sociaux, et alertent sur le trop plein d'émotions liées à l’échéance.

Selon elles, mettre “des mots sur des maux” serait le secret pour atteindre le sommet de l’Olympe.