La devise de la Fédération suédoise de football (SvFF), créée en 1904, était "un club dans chaque village". En 2024, avec 3 000 clubs pour dix millions d'habitants, le pari est tenu.

Ce succès s’explique notamment par la popularité des équipes féminines. À leurs débuts en 1970, on comptait 728 joueuses inscrites dans les clubs. Aujourd’hui, elles sont 70 000 âgées de 15 ans et plus. L'équipe nationale féminine a même obtenu que ses joueuses soient traitées et rémunérées comme leurs homologues masculins.

Une avancée d’autant plus facile qu’elle a été encouragée par ces derniers qui ont mené une campagne pour qu’elles obtiennent gain de cause. Aujourd’hui, Fridolina Rolfö, Kosovare Asllani, Zecira Musovic qui jouent à l’étranger, sont des stars en Suède.

Et des rôles modèles, constate Andrea Möllerberg. Secrétaire générale de la Fédération de football depuis novembre 2023, cette dernière entend poursuivre les efforts pour que plus de femmes soient présentes dans les conseils d'administration, à la tête des clubs, et parmi les entraîneurs. Au pays de l’égalité des sexes, la place des femmes dans le sport reste une priorité.

Marie Claire : Étiez-vous footballeuse professionnelle ?

Andrea Möllerberg : "Je suis une ancienne nageuse d'élite, j'ai fait partie d'une équipe nationale. Je n'ai jamais joué au football, mais je me suis impliquée dans le club de mes enfants. J’ai deux garçons et une fille de 14 ans qui joue elle aussi.

Est-ce facile pour une jeune fille d’accéder à un club de football ?

Je dirais qu’aujourd’hui, il y a un équilibre entre les sexes. Après bien sûr, cela peut dépendre de la région où vous vivez, de votre milieu, mais en général en Suède, les filles ont le même accès à la pratique du football que les garçons.

En 2020, l’équipe nationale masculine de football a fait campagne pour l'égalité de jeu et l'égalité de salaire avec l’équipe nationale féminine…

Oui, nous avons conclu les mêmes accords avec l'équipe masculine et l'équipe féminine. La seule différence a lieu lorsqu’ils et elles jouent pour la Coupe du monde ou l’Euro : les sommes d’argent remportées ne sont alors pas les mêmes.

Mais en Suède, les deux équipes sont sur un pied d’égalité en ce qui concerne les ressources, les voyages, les dotations. Quand nous avons discuté avec Victor Lindelöf, le capitaine de l’équipe nationale, il a été très clair, il voulait que l’égalité soit la règle. La Suède est depuis longtemps un pays très égalitaire, dans le monde du sport aussi.

Je pense que c’est la raison pour laquelle nous avons eu autant de succès avec le football féminin. Et s’il est aussi naturel pour les filles de jouer au football, c’est grâce aux rôles modèles que sont nos footballeuses célèbres comme Fridolina Rolfö, au FC Barcelone, Kosovare Asllani au London City Lionesses. Les jeunes filles n’ont pas besoin de courir après Ronaldo (sourire).

Et les adolescents suédois ?? Mettent-ils des posters de footballeuses sur les murs de leur chambre ?

Un de mes amis a amené son fils de 11 ans quand les filles ont joué à Stockholm. Il a pu aller dans le vestiaire et prendre des photos avec Kosovare Asllani dont il est très fan. C’est de plus en plus courant. Il faut dire aussi que les joueuses de notre équipe féminine nationale sont très ouvertes d’esprit, proches de leurs fans, elles discutent avec eux, acceptent les photos. C’est comme une grande famille. Leurs supporters sont différents de ceux du foot masculin.

C’est plus difficile en général pour les athlètes professionnelles de décrocher des sponsors si elles ne sont pas assez féminines, si elles sont homosexuelles. C’est le cas en Suède ?

Celles qui jouent maintenant en dehors de la Suède ont de très gros sponsors. La difficulté de décrocher des sponsors persiste, ce n'est pas seulement la performance qui compte, c'est votre look, la façon dont vous interagissez sur les réseaux sociaux.

La difficulté de décrocher des sponsors persiste, ce n'est pas seulement la performance qui compte, c'est votre look, la façon dont vous interagissez sur les réseaux sociaux.

Une forme de pression pèse sur les footballeuses. Mais en qui concerne notre équipe nationale, vivre avec une femme ne pose pas de problème, cela n’empêche pas de décrocher des contrats de sponsoring très importants. Les entreprises en Suède sont sensibles à l’égalité des sexes et à la lutte contre les discriminations sexuelles.

Quels sont en Suède les principaux obstacles pour les footballeuses professionnelles aujourd'hui ?

Nous avons de grandes joueuses en dehors de la Suède avec de très bons contrats. Il s'agit maintenant de faire en sorte que les ligues suédoises deviennent plus professionnelles quand il s’agit des femmes. Nous avons des clubs très forts comme Göteborg, Hammerby, Malmö.

Nous les appelons 'les clubs doubles' : dotés d’une équipe masculine puissante, ils construisent leur équipe féminine, en investissant beaucoup d’argent puisé dans les fonds de l'équipe masculine. Ils grimpent alors dans le classement. C’est une réussite, mais nous devons poursuivre nos efforts parce qu’entre les trois premiers clubs et les trois derniers, le fossé est énorme.

Beaucoup de femmes qui jouent dans les ligues en Suède ne sont pas professionnelles. Ce sont des semi-professionnelles qui doivent parvenir à concilier leurs deux vies professionnelles. Nous devons amener plus de femmes dans les conseils d'administration, les clubs, parmi les entraîneurs. Nous devons avoir plus de modèles et pas seulement parmi les joueuses, mais aussi sur le terrain, à l’entraînement, avec un niveau professionnel plus élevé…

70 000 Suédoises de plus de 15 ans jouent au football en Suède, leur participation est-elle en augmentation ?

Le football est le sport le plus populaire en Suède. Chez les femmes et chez les jeunes aussi. Nous comptons un tiers de femmes dans les clubs. Nous aimerons atteindre 40 %. Nous avons une équipe nationale féminine qui réussit, des modèles comme Zecira Musovic, gardienne de but à Chelsea qui vient d’un quartier sensible dont les enfants peuvent s’inspirer.

Nous comptons un tiers de femmes dans les clubs. Nous aimerons atteindre 40 %.

Et puis le football est un sport bon marché qui ne nécessite qu’un ballon et une paire de chaussures. Nous avons également consacré beaucoup d'efforts à la formation des entraîneurs au leadership, et à la façon différente de travailler avec les jeunes filles. Aujourd’hui, elles sont de plus en plus nombreuses à poursuivre l’entrainement à 14-15 ans, nous avons donc plusieurs sponsors qui mettent de l'argent dans le système pour que cela soit naturel de parler des règles menstruelles".