De nouvelles accusatrices sortent du silence. Elles sont trois, extérieures au monde du cinéma, et témoignent ce mercredi 19 mars 2025 auprès de Mediapart, des actes d’agression et de harcèlement sexuels qu’elles auraient subis de la part de Gérard Depardieu. Au cours du procès de l’acteur pour agression sexuelle qui s’ouvrira le 24 mars prochain, deux de ces trois femmes, qui n’ont jamais porté plainte, témoigneront.
Présumé innocent et contacté par le site d'investigation, le comédien affirme, via son avocat Jérémie Assous : "Faute pour les plaignantes de pouvoir prouver ce qu’elles allèguent, elles se retranchent derrière la calomnie face aux éléments démontrant la fausseté de leurs accusations."
Accusation d'agression sexuelle dans une boutique
La première à faire part de son récit à la journaliste Marine Turchi est Aurélie Dauchez, responsable commerciale de 45 ans, qui partagera également son témoignage au tribunal correctionnel de Paris.
Les faits dont elle explique avoir été victime se seraient déroulés le 21 février 2014, alors qu’elle était vendeuse dans une boutique du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris. Selon sa version, confirmée par plusieurs de ses collègues, l’homme de 76 ans serait entré dans le magasin alors qu’il "sentait l’alcool", "était tout rouge" et "parlait très fort". Auprès de Mediapart, Davila Sholay, qui travaillait avec l’accusatrice au moment des faits, affirme : "Il nous a serré la main en arrivant, et il a embrassé celle d’Aurélie, mais il ne la lâchait plus. Puis il lui a demandé de s’asseoir avec lui dans le canapé. On avait tous conscience que c’était une situation malaisante. Il n’y avait rien d’approprié dans son comportement."
Aurélie était vêtue d’une robe noire courte et d’une attelle au genou. Après son arrivée, Gérard Depardieu lui aurait alors déclaré : "Viens t’asseoir Aurélie, oh mais qu’est-ce que tu m’excites avec ça, on dirait des porte-jarretelles, viens là, je vais te soigner moi." Sous la pression de son manager et du comédien, elle se serait assise sur le canapé à ses côtés.
"Très gênée", Aurélie Dauchez confie avoir continué "à sourire bêtement, pour assurer une tenue exemplaire" face à un "client VIP". Elle partage ensuite avec la journaliste de Mediapart les attouchements dont elle aurait été victime : "collé à [elle]", l’acteur aurait mis "son bras gauche autour de [son] cou" tout en "touchant [son] attelle de sa main droite", puis il aurait "remonté sa main sous [sa] robe jusqu’à [son] entrejambe". Elle dit avoir "immédiatement serré les cuisses en tentant de [se] dégager", mais il aurait "réussi à remonter sa main juste avant [son] sexe, sur le collant".
D'après son témoignage, l'acteur lui aurait dit : "Regarde, ça c’est ta chatte, et là tu vois je touche ton clitoris, je le touche, je le mange, je le suce, ça t’excite que je te touche comme ça ?"
"Il a continué en agitant de plus en plus vite sa main sur le cadran, en disant : 'Tu vois, tu mouilles comme une salope, ça t’excite'", témoigne-t-elle encore.
Face à cette situation, la vendeuse ne serait parvenue à fuir Gérard Depardieu que lorsqu’il se serait levé. Sous le choc, elle raconte être partie "[se] cacher dans les stocks" avant qu’il ne quitte la boutique en "hurlant [son] prénom". Aujourd’hui, elle déplore que ces actions se soient passées "dans une grande impunité" alors que les personnes présentes "rigolaient".
Des gestes qui auraient amusé son entourage
Comme Aurélie, Constance – nom d’emprunt utilisé pour garantir l’anonymat de la témoin –, couturière aujourd’hui âgée de 62 ans, se dit victime du comportement de l’acteur de 76 ans. Les faits qu’elle relate se seraient déroulés en 1985, lors de l’avant-première du film Police, au cinéma Gaumont des Champs-Élysées, à Paris, à laquelle elle assistait après avoir gagné deux invitations lors d’un jeu-concours sur RTL.
De cette soirée, elle garde de douloureux souvenirs et une photo en compagnie de Gérard Depardieu, du réalisateur Maurice Pialat, du PDG de Gaumont Nicolas Seydoux et d’un autre comédien, qu’elle a transmise à Mediapart.
Alors qu’elle prenait la pose en compagnie des quatre hommes, l’acteur qu'elle accuse lui aurait "aussitôt mis la main aux fesses" puis "tripoté la hanche droite". Elle raconte à Médiapart : "C’était du pelotage. Je ne savais pas quoi faire. J’ai pris sa main pour la tenir fermement devant moi, pour pas qu’il recommence. Pialat a dit : 'À qui c’est, la main ?!' Ils rigolaient, ça m’a déstabilisée. Je me trouvais bête et pas à l’aise entre tous ces bonshommes… Il y avait une omerta et tout le monde était complice."
Contacté par Médiapart, Nicolas Seydoux aurait d’abord déclaré ne pas avoir été "présent lors de cette avant-première", puis, face à la photo, aurait simplement dit n’avoir "vraiment aucun souvenir de cette soirée".
Des "propos humiliants à caractère sexuel"
La dernière accusatrice, qui, elle aussi, prendra la parole lors du procès de Gérard Depardieu le 24 mars prochain, est journaliste. Marie Dalibon a croisé la route de l’acteur en novembre 2007, lors du tournage en Israël de l’émission Deux, trois jours avec moi. Elle contacte l’acteur, qui en est l’invité, et le rencontre sur place. S'il était cordial au téléphone, elle affirme que les choses ont changé lors de leur première entrevue : "Ah Marie, tu sens comme l’air est différent ici, les hommes sont beaux, tu sens les hommes ici, tu sens dans l’atmosphère que tout est possible ici, tu vas trouver des hommes", lui aurait-il dit.
Elle serait alors "devenue l’objet de son attention et de son divertissement" lors du tournage et avoir été victime de ses "propos humiliants à caractère sexuel", témoigne-t-elle. À plusieurs reprises, le comédien aurait dit qu’elle "devai[t] trouver des hommes en cuir pour le soir" et qu’elle "avai[t] envie de [se] faire fouetter".
Alors qu’elle était accoudée à une murette, Gérard Depardieu serait arrivé derrière elle et lui aurait "massé le bas du dos" en descendant vers "[sa] jupe et [ses] fesses", "sans [son] autorisation", en ponctuant ses phrases de "râles", toujours selon le témoignage de la journaliste qui l'accuse. Si cette serait parvenue à se défaire de cette emprise physique avant que ça n’aille plus loin, elle explique se souvenir des "rires" des personnes témoins de ces scènes.
Sans plainte déposée, Gérard Depardieu ne sera pas poursuivi pour ces nouvelles accusations. Cependant, elles serviront, pour deux d’entre elles – celles d’Aurélie Dauchez et Marie Dalibon –, de témoignages lors de son procès pour agression sexuelle les 24 et 25 mars prochains au tribunal correctionnel de Paris. Par ailleurs, l'acteur est également mis en examen pour viol sur la comédienne et danseuse Charlotte Arnould.