Lorsque Flavie Flament révèle dans le livre La Consolation (Ed. JC Lattès)) avoir été violée par un célèbre photographe lorsqu’elle avait 13 ans, elle ne cite pas son nom. En raison de la prescription des faits, l'animatrice victime "d'amnésie traumatique " pendant plus de 20 ans ne peut pas saisir la justice. Si le nom de David Hamilton est souvent cité par la presse, après avoir été révélé par Thierry Ardisson (l'émission "Salut les terriens"), le photographe âgé aujourd'hui de 83 ans a nié fermement ces accusations indirectes.
J'écris pour toutes les victimes de viol qui se taisent
Avait alors expliqué Flavie Flament au micro du Parisien, pour briser cette malédiction qu'est la "culture du non-dit et de la soumission, et une estime de soi réduite à néant", mais aussi parce qu'elle sait que d'autres jeunes filles ont été comme elle, victimes du même photographe. Selon elle, ce dernier utilisait sa notoriété auprès des parents, comme sa mère, peu scrupuleux ou aveuglés par leur quête de célébrité par procuration.
De nouvelles victimes de David Hamilton s'expriment
Depuis jeudi dernier, l'affaire prend un nouveau tournant avec trois nouvelles victimes présumées du photographe qui se sont exprimées dans la presse (l'Obs), dont Alice qui avait déjà tenté de porter plainte en 1997 avant que cela soit classé sans suite.
Ces dernières l'accusent directement et décrivent -comme l’animatrice de télévision dans son livre- des faits similaires comme des caresses qui auraient dérapé, des pénétrations, lors des essais photo dans sa villa du Cap d'Agde.
Un revirement qui prend pour la psychiatre Muriel Salmona présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, la forme d'un plaidoyer pour que "toutes les victimes de violences sexuelles condamnées au silence, à la souffrance et à l’oubli soient enfin reconnues, protégées, soignées et puissent accéder à la justice tout au long de leur vie".
Elle rappelle, comme c'est le cas de Flavie Flament, que la prescription prive les victimes d'amnésie traumatique de leurs droits les plus essentiels qu'est la justice.
L'amnésie traumatique
"C’est chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance que l’on retrouve le plus d’amnésies traumatiques, leur cerveau étant beaucoup plus vulnérable aux violences et au stress extrême" explique Muriel Salmona, car plus les victimes sont jeunes plus elles ont tendance à enfouir le souvenir du viol par un mécanisme psychologique de défense. Une amnésie qui peut durer de nombreuses années, voire des décennies avant que cela resurgisse d'un coup explique la psychiatre.
La "remontée brutale des souvenirs traumatiques a très souvent lieu quand enfin la victime n’est plus exposée directement au système agresseur ou bien lorsqu'elle connaît un grand bouleversement émotionnel qu’il soit très positif ou très négatif (rencontre, grossesse décès, nouveau traumatisme...) ou bien à une psychothérapie.
De très "nombreuses études cliniques ont décrit ce phénomène qui est connu depuis le début du XXe siècle et qui avait été décrit chez des soldats traumatisés qui étaient amnésiques des combats" rappelle Muriel Salmona.
Se souvenir trop tard ?
Pour 40 % des victimes qui ont des périodes d’amnésie totale ou parcellaires, Muriel dénonce l'impossibilité de faire valoir ses droits auprès de la justice pénale :
La prescription tombe comme un couperet ! Elle empêche de porter plainte et rend l'agresseur inattaquable.
Les très jeunes femmes qui sont les "principales victimes de violences sexuelles, les filles étant trois à six fois plus exposées que les garçons (Hillis, 2016 ; OMS, 2016)" ne sont donc pas correctement protégées par ce délai de prescription (20 ans après la majorité pour les viols subis en tant que mineurs). Aujourd'hui si l'imprescriptibilité ne concerne que les crimes de guerre, la psychiatre s'insurge contre cette injustice faite à toutes les victimes de viol avec son Manifeste pour Pour une imprescriptibilité des crimes sexuels et des délits sexuels aggravés.
Flavie Flament, qui a signé le Manifeste, a permis de faire la lumière sur l'amnésie traumatique peu connue du grand public. Il semblerait qu'elle ait également donné du courage à d'autres victimes, dont l'union est toujours la meilleure des défenses.
Merci à Muriel Salmona, sychiatre-psychotraumatologue
La Consolation de Flavie Flament (Ed. JC Lattès))