"Dès qu’il le pouvait, cet ami de mes parents m’a imposé pendant plusieurs années des séances de 'chatouilles', comme il disait. D’où le titre de ma pièce*, autobiographique. J'en ai tiré un film, Les Chatouilles (sorti fin 2018, et diffusé pour la première fois en clair sur France 2 le 17 mars 2021 à 21h, ndlr)".
Auprès de Marie Claire, Andréa Bescond se souvient : "Quand nous dormions chez lui, il adorait me pénétrer avec ses doigts lorsque ses fils et mon frère étaient endormis. J’ai dû enfouir tout ça, inconsciemment, car je l’ai croisé souvent après. Je savais qu’il m’avait fait un truc, mais quoi ? Les souvenirs ont commencé à remonter quand j’ai eu des petits amis. Un jour, j’avais 17 ans et je l’ai vu à cinquante mètres de moi. Nos regards se sont croisés. Je me suis figée pendant dix secondes. C’est long, dix secondes. Et là, je crois qu’il a compris que je savais."
Les souvenirs ont commencé à remonter quand j’ai eu des petits amis.
Une plainte à 22 ans
Andréa Bescond a finalement décidé de porter plainte, à l'âge de 22 ans : "Le déclic pour agir, c’est quand j’ai appris qu’il allait devenir grand-père."
"Le procès a eu lieu trois ans après, il a été condamné à dix ans de prison et il en a fait sept, raconte-t-elle à Marie Claire. Il avait agressé d’autres enfants.
Le paradoxe, c’est qu’une partie de ma famille a remis en cause mon récit après le procès, même en ayant entendu aux assises les aveux de mon agresseur, qui a demandé pardon à mes parents. Le déni familial est le deuxième traumatisme après le viol. Mais ma descente aux enfers a commencé après, car je n’étais pas prête. Beaucoup d’autres affreux souvenirs me sont revenus."
Le déni familial est le deuxième traumatisme après le viol.
La fuite en avant, le besoin de s'anesthésier
"Mais il faut aussi un accompagnement thérapeutique et familial, appuie Andréa Bescond. Pendant des années, j’ai donc été la spécialiste de la fuite en avant : boulimie de danse, tournée sur tournée, pas de logement et puis beaucoup de drogue, d’alcool. Un besoin de m’anesthésier. Je me bats pour l’imprescriptibilité. C’est pourquoi j’ai lancé un appel sur le blog lagenerationquiparle.com et les réseaux sociaux (en 2017, ndlr), en demandant à tous de se photographier en tenant une affiche avec le message : "Violences sexuelles = 1 enfant sur 5. Stop prescription." Des personnalités ont déjà signé, sans compter des centaines d’anonymes."
"La plus belle des récompenses c’est quand, à la sortie de ma pièce, des femmes, des hommes bouleversés me disent : 'Odette c’est moi.' Le pire : quand j’ai joué dans ma petite ville et que des spectateurs m’ont dit : 'Il n’était pas net. C’était un secret de Polichinelle.'"
(*) Les Chatouilles ou La danse de la colère, Molière 2016
Cet entretien est initialement paru en mars 2017, article mis à jour le 17 mars 2021.